11 novembre 2011

Charles MELMAN 03 11 2011

Charles MELMAN 03 11 2011

L'olivier donne ce privilège reconnu de pouvoir se retourner, de ne pas se perdre et oublier son identité en cette occasion et permet cette apologie du retour au pays natal symbolisé par une femme, à la fidélité assumée et surprenante, en tant qu'elle se confond avec la souche originelle renforcé par ce truc que c'est le lit conjugal que cette souche supporte.

Pour un analyste, où est sa terre natale ? Quelle est cette souche comme support de son lit conjugal ? C'est une question qui n'est pas si triviale qu'il n'y paraitrait. Nous le verrons dans nos prochaine journée sur le thème "Psychothérapie et psychanalyse", la question de sa terre d'origine en psychanalyse, natale et pourquoi pas, la question de son lit conjugal. Elle mérite quelque considération, cette question de la place spécifique su psychanalyste.

J'ai beaucoup voyagé ces derniers temps, et, de retour, je constate que je transportais cette terre natale avec moi. Surprise ! Quel que soit la diversité des lieux et des circonstances, j'abordais avec un questionnement commun ce que j'étais amené à rencontrer, avec cette identité collée au pied.

Istanbul, à l'Institut français d'études anatoliennes, ce reste de l'activité culturelle française dans la région, financée par le Ministère des affaires étrangères dont l'agent culturel a apporté cette question du culturel. En quoi reconnait-on qu'une action est culturelle en dehors du fait qu'elle soit banalement le produit de sa subvention.
La culture, c'est quoi ? Pour Lacan, la civilisation c'est le déchet. Cette formulation lapidaire fait remonter à Rome et son tout à l'égout pour montrer à l'œuvre cette espèce animale, la nôtre, qui évacue ses excréments et ses ordures, l'opération de retranchement qui la caractérise.
Ce qu'on évacue c'est le vil. Ce n'est pas une plaisanterie car on le vérifie en psychopathologie, de façon commune, dans les névroses obsessionnelles dont le problème est que il n'y a pas moyen de se débarrasser du vil, de l'excrémentiel, donc du fautif, de l'excessif ce qui peut engendrer ce symptôme identifiable, le lavage répété. Impossible de se retrancher, de se couper des pensées qui sont justement celles qui ne faudrait pas. Ces idées qu'on refoule d'un revers de main, lui, ne parvient pas à retrancher le plus trivial, le plus obscène, comme ce qu'on reconnait comme trait de la civilisation

La culture, qu'est-ce ? Avez-vous une proposition ? Oui, laissons les plaisanteries lacaniennes homophoniques. Une pratique du refoulement ? Bon début mais vous n'avez pas la fin. Partager le même refoulement ? Pareil. La culture comme névrose, ce n'est pas très gai. Tout ce qui est prescriptif, "Halte là, retenez-vous, un peu de distance, voyons", ce n'est pas terrible. Alors, la culture ? C'est l'arbre ? Je veux bien. Ce qui s'oppose à l'arbre ? Oui, justement.

La culture, et de même pour la civilisation, a toujours un aura sacralisé, c'est un mot grandiose, qui ne commencerais pas par ce qu'en dit Lacan.
Je vais ici assumer cette proposition : La culture, c'est les modalités données du rapport à la femme. Ce qui peut s'enregistrer localement sous le terme de courtoisie et de discourtoisie, ce dernier terme qui consonne avec DSK. Ce destin !
La culture, c'est la manifestation, la façon de poétiser, ou pas, avec ou à propos d'une femme.

Avec ce détour, je rencontre à Istanbul les modalités locales qui se recommandent parfois de la maîtrise absolue, proche de cet esclavage dont le mérite, ou le défaut, est d'effacer la spécificité féminine d'être autre et d'échapper à la maîtrise. Il s'en suit que nous pouvons constater que la courtoisie absolue serait une tentative pour résoudre ce problème en annihilant la non maîtrise.
Autre traitement possible de cette situation, à l'opposé de la courtoisie, l'affranchissement, la liberté absolue pour échapper à la condition phallique qui s'impose à l'un et l'autre sexe.

Dans ce mot de culture, avec la lecture lacanienne, il s'agit de prendre le bon ton contre l'idéal de cette tentative de toujours de corriger cette diabolique faculté d'une femme d'être l'objet qu'il ne faudrait pas, l'objet cause du désir qu'il conviendrait d'abolir.

A Istanbul, j'ai évoqué cette disjonction amour/désir que l'on justifie l'une par l'autre, le désir supporté par l'amour et l'amour dont c'est le corps qui témoigne. Cette union entre amour et désir se traduit immanquablement par leur disjonction. C'est une histoire des plus commune dans les diverses culture, à moins de faire comme Tintin, supprimer non la castration mais le sexe. Voir le succès de la Castafiore.
Disjonction car l'amour parfait consiste justement à le sacrifier, que ce soit l'amour pour la Dame ou pour Dieu. C'est le fondement de l'au-moins-un, une inscrite au champ de l'Autre, c'est l'au-moins-un. Si l'amour évacue le sexe, c'est banal mis voilà, on espère mieux. Le désir cherche à forcer ce défaut de l'amour idéal, parfait, et c'est parfaitement normal.

On reparlera de cette disjonction qu'on trouve déjà dans le théâtre antique, Plaute, Terence. C'est étrange, ce fils de famille qui doit choisir entre son désir et l'amour dû au père qui implique un devoir de soumission, de renoncement à son désir pour rentrer dans le commerce et faire un mariage de circonstance alors que lui a de l'attrait pour une donzelle. L'esclave, sensible à l'idée de le protéger de la soumission, va conseiller le fils pour tromper le vieux qui, surprise, finira par consentir au changement de programme. Il s'agit d'une représentation précoce de ce conflit, soit de l'impossible d'un rapport entre l'un et l'objet.
Un idéal mais aussi, qui compte dans le champ numérique. On peut écrire [1 réciproque a] mais [a], toujours, par définition, est à côté de celui ou celle qui le représente. Et si pour le rejoindre, vous prenez votre belle-sœur, comme Freud, ou la servante, comme Marx, parce qu'elle est à portée de main, cela n'empêchera pas qu'elle renvoi à la faille radicale qui est cause du désir, à l'impossible d'une fixation car une relation est toujours chargée d'éléments symboliques. On peut la déplacer ou la réduire, aussi petite qu'une tête de Jivaro, elle reste présente, active.

Comment écrire ce rapport entre ce [1] et ce lieu, toujours au-delà, sauf à cette opération de force auquel procède Lacan, inspiré par Cantor qui écrit la non inscription à l'infini. Lacan fait référence à l'Aleph, la lettre interdite dans l'écriture biblique qui a du commencer à Beth.
Faute de pouvoir l'inscrire, voir nos journée sur Wittgenstein (ce qu'on ne peut pas dire, il faut le taire), ce qu'on ne peut inscrire, on peut l'écrire. La parole n'est pas l'écrit. Et l'écrit dans l'inconscient, ça fait parler ce qu'on ne peut pas dire.

Lacan a écrit [a], on peut le faire rentrer dans les calculs, néanmoins on ne peut pas établir un rapport car on ne fait que signaler que si c'est écrit, c'est justement qu'il échappe. C'est tout bête sauf qu'on en mesure les effets en permanence, je ne vais pas vous en faire la clinique. En permanence, cette dénonciation ou ce refus ou cette quête de l'objet désiré.

Deuxième voyage, New York. Time Square. Le théâtre est dans la rue. Soudain, une foule immense envahit tout : c'est les indignés, ceux qui se mobilise à la suite des propos de Monsieur Essel. Indigné par quoi ? Par la présentification trop crue, blessante, d'une corruption généralisée, la réalité grevée de cet objet petit [a]. La civilisation voudrait qu'il soit évacué.
Crue, blessante, et comme régissant la vie des citoyens qui se retrouvent volés, ils ont fait des sacrifices, acheté une maison et désormais, ils sont à la rue et volés. Chez les jeunes, les slogans, les pancartes, s'inspirent de nouvelles modalités d'échange, naturelles, rousseauiste. Ils dénoncent un accaparement abusif et frauduleux de ces jouissances au détriment de la population, la tromperie. L'objet est effacé, le bénéfice devrait être le bien être, l'accès autorisé, permis, aux satisfactions accessibles, alors qu'avec cette émergence, c'est la précarité, la pauvreté qui est engendré.

Est-ce que ça passera ce que je dis ? Je voudrais dire qu'un des éléments de l'antipathie ancestrale qui accompagne le peuple juif, c'est que leur dieu réclame et accumule tous les plus de jouir auxquels, dés lors, il faut renoncer. Avant lui, ce simple déchet n'avait pas ce caractère de plus de jouir, c'était une ordure sans caractère particulier. C'est avec la religion, et en particulier cette religion-là, que le Père prend ce caractère de plus de jouir.

Avec ce paradoxe de l'aspect inaccessible de [a], pas dans une position de maître mais du fait de notre dépendance au langage pour laquelle nul besoin d'autorité ou de prescription. C'est ce qui fonde l'éthique de la psychanalyse : Ne renonces pas à ta jouissance. Vas-y, tu verras bien. N'aie pas peur. Tu te trouveras aussi joué qu'avant mais vas-y.

Si notre système était fait d'odeur, nous dirions que oui, ou non, c'est bon, ou ce n'est pas bon. Cependant, pour nous, être humain, l'odeur ne suffit pas. C'est avec la religion que s'organise le mythe du renoncement volontaire à cette jouissance. Sur un mode symbolique, sans imputation réelle, mais avec profit car c'est cela qui donne corps à dieu. Dieu, cette accumulation de l'être qui lui permet de se constituer comme [un]. Ceci rend compte de quel manière peut subsister la nostalgie de la grécité

Pour info, Sarkozy, qui n'est pas lacanien, nous dit qu'avec la Grèce, on progresse (rire). Et ses décisions sont unanimement acceptées. Tant mieux. Cette exigence généralisée, car dieu est universel, mais qui devrait aboutir à l'élection d'un peuple de prêtre, ça peut poser problème car la population considérée peut être de jouissance mais aussi bien de voleur. Et tout ça n'échappe pas à la psychopathologie.

Autre endroit : Fort de France. La ville. Qu'est-ce qui nous fait tenir ensemble ? Pourquoi cette agglutination croissante ? Qu'est-ce que l'isolement idyllique naturel de l'île vient à contribuer à cette aspiration à coller les uns sur les autres ?

Qu'est-ce qui fait que l'animal social qu'est l'homme préfère être avec son semblable plutôt qu'avec son environnement ? C'est que l'environnement, affronté solitaire ou en, ou hors, couple, ou en groupe, ne procure pas les mêmes sensations. Allez voir un film seul. Faites un repas en couple, ou pas. Pourquoi ?

Cela, sans cesse, nous rappelle que notre rapport à l'environnement, à la réalité, est médiée par l'instance phallique. On n’a jamais tant le sentiment de complétude avec l'environnement qu'en couple. C'est un drôle de truc : Il n'y a rien sans la participation de cet élément tiers.

Allons plus loin. c'est dans la relation duelle que se fait ce qui dans le rapport à l'environnement passe par la sensation que vous prêtez à l'autre, comme s'il fallait passer par ce semblable pour avoir accès à la perception de l'environnement mais aussi de vous-même.

Ici la psychopathologie rejoint la psychophysiologie. Cela se produit quand vous êtes en position autre dans le changement social et qu'il faut en passer par la sensation présumée de celui qui de plein droit est dans la réalité. Sans l'autre, vous n'avez pas accès à l'environnement et au fait que vous en faite partie.
Le lien social, ce qui nous fait tenir ensemble, est étrange.

Il aura fallu Lacan, pour aller bien au-delà de Freud et de la psychologie des masses qui ne concerne que l'organisation des foules mais non ce qui fonde le lien social. Il fallait Lacan pour établir que le lien social est un discours, c'est à dire des modalités préétablies d'un lieu entre l'un et l'autre, dont il résulte quatre places. Quatre places fixes et quatre termes qui occupent ces places et ont leur cohérence propre, entre eux, quelque soit la fixation.

La générosité, celle qui veut trouver à remédier, ne peut qu'être prise dans un de ces quatre discours, dont, ici, nous n'avons qu'un aperçu latéral. Pourquoi ne pas vérifier avec la question des antillais ? Le lien social des sociétés postcoloniales sont fondées sur un rien du discours mais sur un tout de violences traumatiques perpétrées par un colonisateur sans discours.

Des quatre places creusées par le dire, deux appartiennent au champ de la réalité de la place dite du maître et de la place dite de l'objet, de la satisfaction, du savoir, de la jouissance, la place autre. Il y a ce signifiant, S1, signifiant maître, et le S2, le savoir, la satisfaction.

S1 et S2, pourquoi ? Le [un] d'S1 est ce qui fait découpe dans la chaine sonore, découpe justifiée par le sens, un sens qui renvoi à l'au moins un dont s'autorise le signifiant maître, le S1.
De l'au-moins-un, le pouvoir et l'autorité s'exercent à partir d'un adoubement qui se réclame de l'au-moins-un et affirme sa légitimité du pouvoir en place. Dans l'histoire, on ne compte plus les bagarres pour savoir qui aura le dernier mot de l'autorité ou de l'agent du pouvoir. Aussi bien, c'est le plus plat dans la vie conjugale.

Il est étrange de combien c'est caché que dans les couples machistes, ce soit elle qui détient le pouvoir. C'est très banal. Et qu'elle fasse de lui l'agent de son pouvoir, à qui elle délèguera son autorité. Si vous avez gardé une âme d'enfant, vous repérez comment la mère délègue, ou pas, son autorité. Considération lointaine ? Nous sommes au cœur de la psychopathologie de la vie quotidienne.

S1 de par la découpe dans la chaîne sonore et par l'organisation du bon sens, le sens phallique, que recommande l'au-moins-un. Il attend que le signifiant maître soit à la hauteur de la tâche, c'est à dire qu'il soit représenté dans le champ de l'autre, noué, et donc enté dans le champ de la réalité, S2, en tant qu'S2 présentifie la satisfaction, du, sinon l'offense au, signifiant maître.

Et entre eux deux, il y a cette perte qui permet de rejoindre ces deux places, hors de la réalité, donc non perceptibles, mais qui sont dans le Réel, c'est l'objet chu. C'est le plus-de-jouir, cause de cette rencontre jamais accomplie dans sa perfection car, toujours, entre eux deux, il y a cette perte de l'objet qui cause leur réunion. Et à cette même place, S barré, le sujet de l'inconscient, à la place de cette faille de cet objet [a], bien avant que le corps se satisfasse partiellement. A cette place, le signifiant ne représente pas le sujet. Il dit ce qu'il en est de son être, soit de de l'objet dont il ignore tout, il est inconscient.

4 places, 2 réalités, 2 réels, S1, S2, les hommes, les femmes, c'est superbe, c'est magnifique cet objet perdu qui est le fait du signifiant manquant à la voie qui en émerge, qui viendrait dire ce qu'il en est de son être. Trois signifiants dont un manque et puis la lettre qui prétend qu'aucun signifiant maître ne se rendra maître de la lettre. Que toujours la lettre échappera au signifiant.

Au passage, remarquons que l'objet petit [a] n'est ni un concept ni un signifiant, c'est une lettre, c'est à dire qui échappe à la signification.
Nous, nos collègues, sommes pris dans une culture des modalités S1/S2 et leur au-moins-un qui les réuni ou les sépare, du fait de l'histoire, mais tous sont confronté à cette division radicale du maître et de l'esclave, avec ses conséquences sur l’organisation de chacun.

Comment ne pas estimer les exclus du discours du maître et de l'au-moins-un ?
Les tentatives de s'inventer un maître originel à partir de sa langue?

Il est impossible de sortir rapidement de ce type de division car le mur mitoyen n'est pas reconnu, de part et d'autre, ni par le maître ni par l'esclave, que la langue originale n'est pas en rupture avec la langue du maître mais son dialecte, c'est à dire son produit. Comme on le voit au Créole selon qu'il subit l'occupation française, anglaise ou les deux, il diffère.
Il y a ceci qui ne sera donc pas reconnu, c'est qu'il n'y a pas de langue originelle, donc, aucun sous produit en continuité avec la langue du maître. Si cette reconnaissance n'est pas établie, pour rétablir la structure moébiusienne du S1 et S2, dans ce contexte, la douleur, dés lors originale, aura de nombreuses conséquences.
Toutes les tentatives de fixer la langue créole, fondée sur un guide, un grand esprit installé, aboutissent à l'échec, car il n'y a pas d'évidence de reconnaitre un maître qui n'a pas la même couleur, qui parlerait un patois, ce qui est faux, et qui ferait filiation.

C'est un aspect étrange de la psychanalyse que ses applications se recoupent avec le divan où l'on vérifie, chaque fois qu'une souffrance spécifique relève de la vérité linguistique, que nous sommes primitifs quand nous ne reconnaissons pas nos propos d'enfant. On les adopte mais la filiation, ce n’est pas ça.
Et quand il n'y a pas de progrès là-dedans, ça dure et c'est dur.

Revenu à mon olivier, se dégage une place toujours la même qui permet l'analyse et qui explique ce trait étrange : Une fois qu'on y est dans ce lieu, il n'y a plus moyen d'en sortir. Il vous accompagne toute la journée. Un dentiste retire son tablier quand la journée est finie. En psychanalyse, c'est différent. Ce n'est pas un choix. Avec ce genre de domicile, vous ne pouvez pas claquer la porte.
Merci.

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