27 novembre 2011

FIERENS 10 11 2011 Logique de la psychanalyse

FIERENS 10 11 2011 Logique

Nous continuons nos questions à propos de la logique en psychanalyse. Il s'agit de reprendre les différences entre la logique formelle et la logique pour la psychanalyse, le problème de l'identification avec le carré d'Apulée, le problème de la causation du sujet et de son aliénation. De la logique en psychanalyse, on tentera d'en voir la cohérence, sa clinique spécifique et ses indications.

Il y a opposition entre la logique classique, formelle et la psychanalyse. La logique formelle suppose un univers partagé en une multitude de petites cases. Le petit bout de jouissance purement local auquel s'attache la psychanalyse est à l'opposé de l'univers et de sa condensation.

La logique classique pose que s'il y a S1 alors S1 = S1, qu'un terme répété reste ce terme. La logique formelle du S1 x S1 = S1 s'oppose au S1 x S1 = S2 de la psychanalyse. Pour elle, un signifiant ne peut se répété à l'identique. Le formelle et l'atemporel, axe a-a', s'oppose à l'objet et au temporel, axe S barré-A, de la psychanalyse.



Le carré d'Apulée, qui articule les quatre propositions aristotéliciennes est le cadre de la logique formelle que nous utilisons toujours actuellement quotidiennement.



A E : Contraire Universelle Affirmative vs Universelle Négative.

Au moins un est faux, A ou E ou les deux ("ou" inclusif)

I O : Subcontraire Particulière Affirmative vs Particulière Négative.

Au moins un est juste

A O : Contradictoire Universelle Affirmative vs Particulière Négative et
E I : Contradictoire Universelle Négative vs Particulière Affirmative.

C'est A ou O ("ou" exclusif). Principe du tiers exclus.

A I : Subalterne Universelle Affirmative vs Particulière Affirmative et
E O : Subalterne Universelle Négative vs Particulière Négative.

On déduit I de A et O de E. Si A alors I nécessairement. Flèche d'implication logique.

Par exemple, on prend l'ensemble des névrosés, on en détache une partie pour l'articuler à l'ensemble. Cette manière de procédé est d'une logique purement formelle et, par mimétisme, on retrouve cette démarche jusque dans la psychanalyse. Il faut être attentif et s'en rendre compte.

Abordons la notion de temps logique que Lacan décrit dans l’article « Temps logique ». Je présente ce texte de manière simpliste car mon but n'est pas d'exposer la notion de temps en psychanalyse mais la logique. C'est qu'il y a bien, dans ce qui y est décrit, constitution d'un objet, une identification, un objet qui est en fait déjà constitué mais pour comprendre il vaut mieux partir d'un point de vue minimaliste. C'est sa la psychanalyse, partir non d'un univers mais d'un petit indice, un lapsus, une lettre et pas plus, bien que l'objet soit déjà constitué.

Voici l'exemple minimaliste que Lacan nous expose. Un directeur de prison convoque deux prisonniers. Il leur montre trois disques, un noir et deux blancs. Noir et blanc, c'est bien le minimum qu'on puisse. Il leur dit qu'il va coller un disque de son choix au dos de chacun d'eux, soit de tel manière qu'ils ne peuvent voir le disque qui est dans leur dos mais seulement celui de leur compagnon. Et leur donne cette consigne : Le premier qui devinera sa propre couleur et qui pourra expliquer comment il l'a déduit sera libéré. Ensuite, il colle à leur insu deux disques blancs.

Comment vont raisonner les prisonniers ? Chacun des deux voient blanc et en déduisent que si l'autre avait vu noir, il aurait immédiatement déduit qu'il est blanc. En trois secondes, ils se précipitent tous les deux pour donner leur raisonnement. Lacan explique pourquoi ils se hâtent pour conclure après une hésitation. Pourquoi trois secondes est le temps qu'il leur faut pour s'impliquer.

Mais notre question est, non comment ils découvrent leur couleur mais ce qu'il en est de la production d'associations complexe équivalentes, ici, aux associations libres de la règle psychanalytique. Donc, non l'identification du moi, mais ce qu'implique cette structure dualiste qui passe par la question de l'autre. Non le fait d'être blanc ou non blanc mais toute la mécanique de l'identification.

Le prisonnier se reconnaît comme blanc dans une suite de jugement caractéristique dont les types sont nécessaires :
Hypothétique : Si j'avais été blanc, il aurait immédiatement reconnu qu'il était blanc.
La quantité dans le jugement : Tous, quelques uns, un seul, aucun, c'est l'universelle et le particulier.
La qualité dans le jugement : Négatif ou affirmatif.
La catégorie de la relation : Catégorique (Je vois que l'autre disque est blanc) ou hypothétique.
La catégorie de la modalité : Possible ou réel (Il est possible que je sois noir mais réel que je sois blanc).

Ce qu'il faut noter, c'est que si vous vous servez du carré d'Apulée pour identifier votre patient, vous êtes dans la logique formelle, vous le mettez nécessairement dans des cases.
Un signifiant n'est pas identique à lui-même. Le tiers exclu ne fonctionne pas en psychanalyse. Cela veut dire qu'il n'y a pas une simple séparation entre la gauche et la droite du carré d'Apulée. Il n'y pas seulement l'affirmation et la négation mais aussi un jugement plus complexe qui contient une négation à l'intérieur même du sujet, le sujet est barré. La forme est négative mais le contenu du jugement est différent. La différence est que cette négation forme une limite, une barrière mais qui ne sépare pas forcément seulement deux champs.

"Ce n'est pas ma mère". Il ne s'agit pas d'une négation de la mère mais d'une limite à l'intérieur même du concept "mère". Nous sommes donc obligé d'introduire entre l'affirmation et la négation une coupure qui n'appartient ni à l'une ni à l'autre.

Un signifiant entre dans la catégorie de l'universelle : Tous les signifiants. Ou dans la catégorie du particulier : Un signifiant. Évidement, ça vaut pour tous, mais ce n'est pas universel. C'est aussi plus que particulier, c'est singulier, en lui-même et non en rapport à une batterie de signifiants. Entre l'universelle et le singulier, il y a quelque chose de nouveau : Le singulier. En logique formelle, le singulier fait partie de l'universelle alors qu'en psychanalyse, il aurait plus ou moins trait au particulier. Or, ce n'est ni l'un ni l'autre, c'est "autre". D'où l'obligation de modifier le carré d'Apulée pour un carré en neuf cases.



Il y a du travail pour la psychanalyse avec ces cinq nouvelles cases. Qu'est-ce qui fait limitation et qui est singulier ? Le trait unaire. Le trait qui fait coupure, limite. Un "un", singulier.
Il est possible d'opter pour une logique classique. L'identification œdipienne au père, par exemple. Ou au contraire, l'identification au trait unaire, à quelque chose de singulier, de l'ordre d'une jouissance particulière, spéciale, très simple mais qui contient une coupure, une différence. Le S1 barre S2. La toux de Dora, par exemple, n'est pas celle du père. Il y a une coupure dans le trait unaire lui-même.

Pour imager ces cinq nouvelles cases, on peut placer y placer des traits. Pour S1, des traits verticaux. Pour S2, des traits non verticaux, par exemple obliques. Au centre, oblique et vertical, laissons-le vide.



Vous y reconnaissez le cadran de Peirce.



Donc, nous pouvons écrire :



A quoi ça sert, me direz-vous.
On peut y voir comment se constitue l'identification où le grand Autre, affirmative universelle, se constitue par adjonction du particulier singulier.



Concrètement, une identification se fait. Elle est construite. Donc, nous n'avons pas à enfermé quelqu'un dans une case puisqu'il se construit.
Par exemple, Lacan nous soumet : Tout père est Dieu. Mais si tout père contient un ordre de contradiction alors aucun père. Donc tout père est dieu puisqu'il n'y en a pas.
Il n'y a pas lieu de refuser cette construction car la psychanalyse ne consiste pas à éviter les universaux et à s'en tenir au pas-tout (ici, ce pas-tout n'est pas celui du schéma de la sexuation), elle ne consiste pas non plus à contredire l'universelle affirmative, mais elle vise à questionner la mise en jeu c'est à dire le formel en psychanalyse et à tenir compte du trait unaire et de ce qu'il engendre.

Troisième et dernier point : Avec notre carré, nous n'envisageons que la qualité du jugement. Mais si j'ajoute le catégorique et l'hypothétique ainsi que le réel et le possible, alors nous aurons d'autres caractéristiques.



Tout part du catégorique et du réel. L'avantage ? On peut tout en tirer par implication. C de B, D de B, F de C. La pensée substantialiste est un gros avantage car un chat est un chat, un psychotique est un psychotique, etc.

Le problème en psychanalyse est qu'il n'y a ni catégorie de substance, ni hypothèse qui permettraient de déduire quoi que ce soit. La substance-cause, nous ne l'avons pas. Par contre, nous avons, comme limite, le concept de pulsion qui n'est ni substance ni cause, qui est un concept limite, un entre deux, âme ou corps. De même, pour le jugement, nous n'avons ni catégorie (pas de "c'est comme ça) ni hypothèse mais du disjonctif. D'où, à nouveau, nos trois colonnes.



Ce qui nous arrive, est-ce réel ou est-ce une nécessité ? La nécessité n'est ni réel ni possible, d'où la troisième : Le nécessaire. C'est comme avec le carré d'Apulée, c'est l'expérience de la psychanalyse qui oblige à cette modification à partir de laquelle on construit une logique propre à la psychanalyse.
Qu'est-ce qui est nécessaire-disjonctif ? La structure lacanienne, qui n'est pas une classe de la logique formelle mais, la structure de l'être parlant, du schéma L qui vaut pour tout le monde.
Disjonctif ? Oui, car nous n'avons pas de définition catégorique, nous n'avons pas d'élément qui se définit par lui-même positivement ni par un élément extérieur, mais seulement des définitions par actions réciproque, par sa différence par rapport aux autres éléments de la structure.

Voir le mythe d'Aristophane où les hommes primitif furent séparé en deux et où chacun ne vaut que par rapport à l'autre. Si pour Lacan, l'inconscient est structuré comme un langage, c'est qu'il parle de la création de deux éléments qui n'existe que l'un par rapport à l'autre, le S barré et l'Autre. Ce qui ne veut pas dire que l'inconscient se joue dans les signifiants mais qu'il est une structure d'opposition aux éléments non préétablis mais qui ne valent que par disjonction les uns avec les autres, de façon nécessaire. La structure est au centre.
Voir aussi le mythe de la lamelle. Un tout mythique, l'œuf, se sépare en deux. Chacun se définit en fonction de l'autre. L'œuf se divise, disjonction primordiale sujet-fœtus et Autre-membrane, placenta.

Comment spécifier cette structure ? Il y a deux opérations de causation du sujet. L'un se définit par rapport à l'autre. La causation, l'origine, est cause non extérieure mais qui appartient au sujet qui se cause. C'est l'opération aliénation-séparation, le disjonctif ne se résume ni au "ou" inclusif, ni au "ou" exclusif.



Dans le carré d'Apulée, le quantitatif est l'affirmation et la négation. L'écriture formelle de l'aliénation pose que la proposition est aliénée à la quantité et que la quantité est aliénée à la proposition. Or, pour Lacan, c'est incorrect. Pour lui, il n'y a rien de formel en ce domaine.
La bourse ou la vie ! Ce n'est pas la formule qui est déterminante. Ce qui vous prend la vie, c'est la bourse elle-même, la chose, le contenu lui-même. Il n'y a pas d'aliénation sans contenu, ce n'est pas quelque chose de formel.
S'il y a fonction, c'est à partir du contenu. Donc pas de formule. A partir du contenu c'est à dire de la structure, qui est plus importante que toute formule mathématique. En psychanalyse, il y a toujours le sujet ou l'Autre en jeu, le schéma L est toujours en jeu.
En psychanalyse, le sujet et l'Autre interagissent pour donner un sujet écorné et un Autre écorné. Cette interaction éloigne de la logique formelle et donne le sujet barré et l'Autre barré de l'aliénation.



Le nécessaire, c'est la séparation. Le manque du sujet barré et le manque de l'Autre barré qui sépare ce qui est différent du sujet et différent de l'objet. C'est la question du "Che voi", le nécessaire d'être là, chacun, à partir du manque, nécessairement.
Cette logique fait fonctionner le poinçon <> dans la logique du fantasme. C'est à partir des quatre positions du <> que Lacan démontre son tétraèdre, la logique des quatre discours dans "L'envers de la psychanalyse"

Il s'agit d'une logique qui n'est ni sèche ni aride car elle se fonde sur une petite chose par rapport à laquelle on est comme des dieux non créateur de l'univers mais ouvert sur de nombreuses pistes pour la pratique spécifique de la psychanalyse, pratique très différentes de celles qui inscrivent leur objet dans une logique formaliste. Merci.

Claude LANDMAN 07 11 2011 Métaphore

Claude LANDMAN 07 11 2011 Métaphore

Nous continuons à déplier la reprise en deux temps de la formule de la métaphore telle que Lacan la propose dans ses Questions préliminaires à tout traitement possible de la psychose, article paru en 1959 dans la revue La psychanalyse, repris ensuite dans Les écrits, qui est le résumé de la première partie du séminaire de 1955-1956, intitulé Les structures freudiennes de la psychose.
Dans cet article, Lacan reprend la formule générale de la métaphore, c'est à dire de la substitution signifiante, qu'il avait avancé dans l'Instance de la lettre, en insistant sur son effet sur la chaîne signifiante inconsciente.



"Les grand S sont des signifiants, x est la signification inconnue et s le signifié induit par la métaphore, laquelle consiste dans la substitution dans la chaîne signifiante de S à S'. L'élision de S', ici représenté par sa rature, est la condition de la réussite de la métaphore" p35 des Écrits II.
Pourquoi petit x ? C'est qu'en tant que métaphore non effectuée, la signification reste inconnue du sujet bien qu'elle soit ce à quoi le sujet est nécessairement confronté. Ce n'est qu'avec la métaphore que le sujet a accès à la signification qui, au départ, est inconnue.

Quelques remarques d'ordre général. A plusieurs reprises, j'ai insisté sur l'idée que les mathèmes de Lacan relèvent, comme les mathématiques, d'un pur effet de signifiant, d'une écriture littérale sans signification en elle-même, indépendante du signifié. La lettre est un effet du signifiant. Le mathème de la métaphore que nous étudions, est un mathème comme les autres, pur effet signifiant, écriture littérale.

Le mathème, c'est sa voie à lui, Lacan, pour faire valoir que la psychanalyse n'aurait pas vu le jour sans la science moderne, Galilée, Descartes, qu'il ne peut y avoir aucune pratique psychanalytique sans référence au sujet de la science. Et à ce point que Lacan identifie strictement le sujet du désir inconscient de la psychanalyse au sujet de la science, soit un sujet acéphale, sans tête ni figure. Nous reviendrons sur ce point surprenant. D'ores et déjà, posons que c'est cette référence qui distingue la psychanalyse des diverses psychothérapies.

Je vais reprendre, mais autrement, les arguments de la journée du 3 décembre prochain où Melman nous invite à réfléchir sur le thème "Psychothérapie vs psychanalyse". Sans vouloir trop anticiper, j'annonce que je soutiens que le procédé de Freud, la règle de libre association, est solidaire de cette référence de la psychanalyse au sujet de la science car ce procédé permet de laisser aller le signifiant à son jeu indépendamment du signifié. Laisser aller les jeux de mots, les incongruités, le jeu.

C'est en ce sens que Lacan dit que la Traumdeuntung anticipe De Saussure, anticipe l'algorithme fondateur de la linguistique moderne qui distingue le signifiant et le signifié par une barre qui résiste à la signification, qui en elle-même n'a aucune signification, écriture d'un simple trait qui instaure deux places différentes dans le système langagier.



Là encore, Lacan y va fort. Pour lui, Freud a inventé la linguistique structurale, ses conditions de possibilité. En effet, dans ses premiers textes, à propos de la vie quotidienne, la libre association permet le libre jeu du signifiant et c'est cela qui intéresse Lacan, qui le pousse à le suivre à la trace. Sans le formuler explicitement, il différencie le jeu du signifiant de la signification dont le jeu se trouve séparé, au moins pour un temps.
Ce qui a mené Freud à cette idée, c'est que le rêve et le symptôme ont des significations complètement énigmatiques. Pour tenter de restituer une signification accessible au sujet, Freud a pris le parti, le parti pris scientifique, de laisser le jeu du signifiant se libérer de la signification. Ce procédé, fondamentalement, se différencie de la psychothérapie et se réfère explicitement au sujet de la science. Voir les premiers paragraphes de Triste tropique de Lévy Strauss.
Cependant la psychanalyse est différente de la science. Elle ne peut que se référer au sujet de la science mais, contrairement aux mathématiques, les formules de Lacan se prêtent à cent lectures différentes. Les mathèmes relèvent de l'interprétation au même titre, on va le voir de suite, que les propos de l'analysant dans la cure.

L'interprétation de Lacan des formules de la métaphore pose qu'il existe une condition de réussite de la production de signification. Que se substitue le S’ inaccessible au S' accessible, l'élision du signifiant S', avec la rature qui le barre, auquel S se substitue.

Ici, deux remarques. L'interprétation qui rature le grand S' ou le grand S peut se lire à la fois comme signifiant et comme sujet. Ma lecture, il y en a cent, est qu'il est possible de lire la barre comme ce qui rature le sujet. Et c'est ce qui se produit avec le Booz de Victor Hugo. Booz se trouve barré comme sujet dans l'effectuation de la métaphore au profit de la fécondité paternelle, signifiant phallique, qui indique à Booz sa gerbe, soit ce S barré qui permet l'accès à la métaphore paternelle.

Deuxième remarque. S'il y a une condition de réussite, c'est qu'un ratage est possible. La métaphore peut rater et laisser la persistance de la signification inconnue pour le sujet, ce qui ne peut que le laisser perplexe, voire dans l'angoisse. Les symptômes névrotiques, par exemple, sont des ratages de la métaphore. Le sujet connaît son symptôme mais n'a pas accès à sa signification. C'est d'ailleurs ce qu'il vient chercher dans la cure psychanalytique. Il sait que ça signifie, pour lui, en tant que sujet, mais ça reste inconscient. Le symptôme est une métaphore qui n'a pas réussi.

Cette signification inconnue, on la rencontre dans les différentes structures cliniques. Quelles sont les modalités de l'échec de la métaphore ? Doit-on rapporter les différentes structures cliniques à l'échec de la métaphore paternelle, sachant qu'elle constitue un donné ? Existe-t-il un ratage de la métaphore paternelle spécifique à chaque structure clinique ?

La réussite, l'accès à la signification phallique, est aussi un symptôme car elle est dans un rapport symptomatique au langage. Simplement, ce symptôme là est partagé par la majorité alors que le symptôme névrotique reste énigmatique pour le sujet et d'ordre strictement privé.

C'est une deuxième formule, la formule de la métaphore du Nom du père, dite aussi métaphore paternelle, que Lacan utilise.





Lacan commente : La formule générale (la première) "s'applique ainsi à la métaphore du Nom-du-Père", c'est à dire que celle-ci exemplifie, avec des lettres et des barres, la première formule, "soit la métaphore qui substitue ce Nom à la place premièrement symbolisée par l'opération de l'absence de la mère" p35.

Mère avec M majuscule, pourquoi ? Pour moi, il s'agit de la mère symbolique. Qu'est-ce à dire, Mère symbolique ? Comment, de réelle qu'elle est pour le petit, devient-elle la mère symbolique ? Qu'est-ce qui permet à Lacan de nous le suggérer ? C'est le désir de la Mère. On y reviendra.

Lacan laisse entendre que l'accès au symbolique, le premier symbole pour l'enfant, serait en rapport avec l'alternance présence-absence de la mère. Ce qui serait symbolisé primordialement, c'est le trou au bord de son berceau du fait du départ de la mère réelle.

Poursuivons avec cette formule. Grâce à la substitution signifiante, où le signifiant du Nom-du-Père prend la place du Désir de la Mère, se révèle le signifiant inconnu qui est le Phallus, avec une majuscule car il est symbolique.

Désir de la Mère. Pourquoi Désir ? Pour signifier que la mère, de seulement réelle pour l'enfant, devient aussi, par l'alternance présence-absence, symbolique. S'ouvre alors un au-delà de la mère, c'est à dire une référence à ce qui lui manque.
Le désir, par définition, se situe toujours dans un rapport au manque, manque d'un objet qui le cause, ce désir. Quel est l'objet qui manque à la mère et qui cause son désir ? Voilà la question que l'enfant se pose. Cet objet, l'enfant, dans un premier temps, va tenter de le situer dans la dimension de l'imaginaire, avec différentes formes susceptibles de le manifester. Cet objet multiforme, Lacan l'appellera le phallus imaginaire, avec p minuscule. La première triangulation n'est pas constituée du père, de la mère et de l'enfant, nous dit Lacan. Il est constitué de la mère, de l'enfant et du phallus imaginaire.



Le premier tiers, qui manque à la mère, n'est pas le père mais le phallus imaginaire. Cette triangulation se manifeste concrètement en acte dans les jeux avec sa mère, dans les échanges avec elle. Ces échanges se différencient des objets devant lesquelles ils s'extasient, avec des exclamations devant chaque nouvel objet, avant de manifester, toujours de manière ludique, que ce n’est pas ça, que cet objet n'est pas le bon.

Ce triangle concerne la clinique, notamment des perversions. La perversion est fondamentalement à situer dans cette triangulation. Lorsque l'enfant, souvent un garçon, réalise que ce phallus imaginaire se réduit pour la mère au manque du pénis réel et qu'elle ne l'attend pas du père de l'enfant, alors il s'imagine l'être. C'est le travestissement. Ou encore, il investit un fétiche, un objet qui s'interpose entre lui et sa mère et le protège contre la castration maternelle. Ou encore, suite à la perception violente de la scène primitive, l'exhibitionnisme, où l'imperméable est une seconde peau. Le sujet s'identifie à l'égide, à la tunique, censée protéger la mère contre les agressions du phallus imaginaire. On y reviendra. Donc, deux modalités de l'identité du sujet, à la mère ou au phallus imaginaire. Ce n’est pas si compliqué la perversion.

La formule du Nom-du-Père nous intéresse également car elle permet de différencier la névrose de la psychose. La névrose, où la métaphore paternelle s'est produite même si elle échoue, si le sujet refuse d'entendre la signification phallique de la métaphore paternelle, s'il refuse sa singularité.
La psychose où il y a forclusion de la métaphore paternelle, soit la persistance, au-delà d'un certain délai, d'un défaut, d'une carence du Nom-du-Père, du signifiant qui nomme le père. La métaphore paternelle n'a pas lieu.
Conséquence : Il y a production, à la place du Phallus symbolique, de cette signification phallique qui fait défaut, à cette place, se produit un trou à partir duquel vont se succéder des remaniements en cascades jusqu'à ces significations qui se stabilisent dans le délire. Le délire est ce qui permet au sujet de s'orienter. Sans délire, tout est fait d'énigmes angoissantes.

Quel est le statut du Nom-du-Père, de ce signifiant qui nomme le père ? Pourquoi, contrairement aux autres signifiants qui nomment, qui sont des noms, pourquoi le Nom-du-Père a-t-il une signification particulière ? Pourquoi faut-il du Nom-du-Père ?
Pater incertus ! Et cela dans toutes les cultures. Pour prendre en compte et dépasser cette incertitude, a émergé dans le judaïsme une foi particulière qu'on ne retrouve pas dans toutes les cultures. Une foi accordée à un nom, ce nom qui nomme le père et, comme pour l'accentué, ce nom est imprononçable.
Depuis la destruction du Temple, les voyelles qui servaient à phonétiser le tétragramme du nom du père, cette connaissance s'est perdue. Mais s'il est imprononçable, il est en revanche possible pour un sujet, dans certaines circonstances symbolique de la vie, ayant trait à l'autre sexe et, ou, à la figure de la paternité, de faire appel, ce qui n'est pas prononcer, de faire appel au nom du père et d'en attendre la production d'une signification qui permet au sujet de faire face à ces circonstances symbolique de la vie et de les assumer. C'est ce qui s'est passé pour notre aire culturelle et cela continue dans l'inconscient même si la foi accordée à ce nom semble moins vivante. Merci.

26 novembre 2011

Claire BRUNET 07 11 2011 Kant et Lacan, à propos du Beau

Claire BRUNET 07 11 2011 Kant et la question du beau

L'intitulé m'a été demandé par Jean Christophe Cathelineau. Psychopathologie et philosophie, qu'en est-il ? Kant et la question du beau, et du laid, va nous demander de rester près du texte et surtout du séminaire "L'éthique de la psychanalyse", 1959 - 60, de Lacan. Il y annonce un topo sur Kant qui ne viendra jamais, sauf une reprise tardive sous la direction de Kaufman.

Lacan est moins restrictif que Cathelineau car il ne voit pas, chez Kant, de déliaison entre le beau et le sublime. Pour Lacan, ces deux notions sont nécessaires au discours de Kant. Ce qui nous intéresse chez Lacan, par rapport à Kant, est que ce dernier présente l'esthétique comme une défense contre la pathologie, le beau, et comme une possibilité de dépassement du moment pathologique du sensible, le sublime. Pour Lacan, cette nécessité pathologique est corporellement, sensiblement, "désirément" déterminée comme défense contre les dérèglements des facultés de juger.

Les facultés de juger sont abordées dans la troisième théorie de Kant, après sa Critique de la raison pratique et participent, selon lui, du domaine de l'esthétique. Trois distinctions nous montrent ce que la doctrine kantienne a de proche de la notion freudienne d'appareil psychique.
Il y a cet inédit, chez Kant, de penser l'esthétique à partir d'une tripartition structurelle des facultés de l'esprit. Il n'est pas équivalent mais précurseur de l'appareil psychique tel que Freud pourra l'articuler.
Deuxio, il y a que l'exercice de la sensibilité dépasse le physiologique.
Enfin, la doctrine du sublime peut se saisir comme une forme de l'angoisse.

La philosophie de Kant est une doctrine de l'expérience, elle décrit les conditions structurelles de l'expérience et s'interroge sur les conditions de la légitimité du déroulement de l'expérience. De l'expérience en général, notion empruntée à la science telle que Newton en a marqué définitivement la place. Kant formalise les conséquences philosophique de la physique newtonienne au niveau de la banalité. Le pas au-delà de Descartes sera la doctrine de l'espérance esthétique dont il forge le concept et la figure. Ce faisant il dépasse un siècle de réflexion empirique sur le beau.

Mon hypothèse est que le jeu des facultés chez Kant est une approche structurelle de la subjectivité. Sa distribution en trois catégories, la sensibilité, l'entendement et la raison, est à la base de la modernité :
Les idées sur le fonctionnement subjectif à partir d'une partition des fonctions sont contemporaines du projet anatomique qui consiste en une description raisonnée de la vie et de l'âme. (Voir « Naissance de la clinique » de Michel Foucault).

Dans sa critique du jugement et de l'esthétique, il propose une matrice, qui reste à mathémiser, pour classer les formes de l’expérience esthétique. Lacan, (p332) posera l’analyse catégorielle comme de haute portée pour mener aux structures topologiques qu’il dressera.
Voir Deleuze, « La philosophie critique de Kant », dans le chapitre I, la notion de faculté comme source spécifique de représentation impliquant autant de faculté que d’espèce de représentation. Intuition, concept, idée, autant d’effort de structuration de l’expérience. Trois figures qui, à leur source, renvoient à une faculté.

La sensibilité, domaine de l'intuition, est la faculté de réception, du divers, de pure passivité.
L'entendement, domaine du concept, est la faculté de la répartition conceptuelle, du classement, des limites, qui catégorise le divers éprouvé, recueilli, par la sensibilité.
La raison, domaine des idées, est en nous l'aspiration à l'infini, postulation au-delà du physique, métaphysique. La raison est le soutien d'un vœu illimité.
Il s'agit de détermination de trois fonctions subjectives, ce qui nous affecte extérieurement, ce qui nous a affectés en nous-mêmes, le désir de repousser la limite. C'est simple. Kant vise le simple. Il en vient au beau.

A l'occasion d'une expérience du jeu harmonique entre la raison et l'entendement, nous éprouvons le sentiment du beau, rare et bienheureux, une paix de l'âme, une harmonie des facultés qui se traduit, pour Kant, par l'absence de tension, l'équilibre.
L'expérience du beau est essentiellement une expérience de la forme, le libre jeu du sens et de l'entendement engendre la belle forme, équilibrée.
Le sublime n'est pas le beau. Le sublime est le sentiment, la réverbération subjective que nous éprouvons lorsque se produit en nous une tension dysharmonique entre la sensibilité et la raison.
Face à la mer déchaînée, au tonnerre, aux volcans, nous éprouvons le déséquilibre entre notre capacité de résister et la nature, nous nous éprouvons comme impuissant. Mais si nous sommes à distance, en sécurité, face à la tempête mais non au cœur de la tempête, nous pouvons éprouver de la peur, et, ou, une expérience esthétique. Un face à face qui libère les forces de l'âme et donne le courage pour se mesurer aux forces de la nature.

Dans un premier temps, de déplaisir, nous nous sentons infiniment petit, frappé d'incapacité, face à la nature dans son infinie puissance.
Le deuxième temps est de plaisir. Au moment de la déprime, nul, non avenu, mort, nous nous souvenons de notre aspiration au sublime. Idée proche du roseau pensant de Pascal. Quand je regarde la tempête, je ne suis rien mais je suis susceptible de penser la puissance de la nature.
Notre possibilité de penser cette infinité, notre capacité, nous élève. Nous sommes comme supérieurs au spectacle, supérieur à la nature dans son immensité car nous sommes comme indépendants par rapport à elle. De sorte qu'il n'y a pas de rabaissement devant cette nature enragée même si on y succombe. A la différence des animaux, nous nous rappelons notre capacité à l'infini.

C'est par le déplaisir, le sentiment d'impuissance, c'est en cela que s'initie par la raison et l'entendement, la joie. L'occasion du sublime réside dans l'échec de la sensibilité mais, dans le même temps, cet échec lui-même signale que, si je suis incapable de sentir l'infini, je suis capable de le penser. Je ne suis donc pas limité par la science. Je suis habité par l'infini. Le sublime est la pierre de touche de la philosophie de Kant, le moyen de prouver notre destination supranaturelle, en nous, notre aspiration à l'infini.

La philosophie ne s'apprécie pas, bien entendu, comme s'apprécie la psychanalyse. Si Kant se réjouit d'attester par le sensible l'effectivité de la raison, en clinique, l'aspiration à l'infini du patient ne réjouit pas d'emblée le psychanalyste.

L'impuissance se dénote de notre capacité à l'évaluation de la grandeur, que sont les mathématiques, l'intuition et l'esthétique. Comment évaluer la grandeur d'une pyramide ? Nous sommes impuissants à en compter toutes les pierres. Il faut n'être ni trop près ni trop loin. Comment évaluer la bonne distance ?
Si je suis trop loin, des parties restent obscures, on en voit pas le détail, elle ressemble à une montagne.
Si je suis trop près, je ne saisis, de la base au sommet, qu'un parcours, qu'un fragment de la totalité.

Dans la cathédrale Saint Pierre à Rome, même embarras, même impuissance à l'imaginer en un tout, ce qui, soit dit en passant, était le but des maîtres d'œuvre. Elle dépasse nos capacités, elle nous déprime, l'imagination s'abîme, mais en même temps, il y a cette satisfaction émouvante. Qu'en est-il ? On peut penser l'infini comme un tout. Voilà une idée bizarre cette possibilité de totaliser l'infini.

Le beau est le jeu harmonieux de la sensibilité et de l'entendement. Dans un sens inverse, il a la forme d'un cadre. C'est cadré le beau, le divin.
Le sublime est ce sentiment éprouvé de cette satisfaction paradoxale dans l'après coup de la déprime où la reconnaissance de la raison en moi l'emporte sur l'impuissance.
Le beau est maîtrise de la représentation. Le sublime est quand l'objet se présente comme non reprise possible. Nonobstant l'impuissance, je sais ma faculté de comprendre, en raison, l'infini que je ne peux me représenter.

Il est possible de traduire dans la topologie lacanienne de l'Imaginaire, du Symbolique et du Réel, le beau, maîtrise de la forme, comme image du Symbolique et symbole de l'Image, ce qui nous arrache à l'idée que l'art est imaginaire.
Le sublime, discord entre l'Imaginaire et le Réel, marque l'impossible symbolisation du Réel, l'impuissance face au sans borne.
Cette petite matrice permet d'identifier l'expérience du beau au calme, et l'expérience du sublime à l'angoisse.

Kant, son esthétique, et Lacan qui se préoccupe de sa mise en jeu, posent le problème de la limite, borne, bordure, de la frontière, de la forme, du trait. Ce rapport étrange que nous entretenons, qu'en est-il ? Si le beau est l'expression de la saisie heureuse d'une totalité, le sublime est l'expérience inquiétante de l'impossible fermeture d'une frontière. Fermeture toutefois relative car du haut comme du bas de la pyramide, on ne voit pas tout.

La question est : "Moi, sujet dans tel espace, quelle est ma place"? Quelle est la place que m'assigne Saint Pierre à Rome, pensée pour m'écrabouiller, ou la tempête, non pensée ?

Le beau allie l'imaginaire et l'entendement. Pas la raison.
Le sublime n'est pas une réflexion formelle car celle-ci nécessite ce jeu libre de l'imaginaire. Le sublime est éprouvé devant l'informe ou le difforme, comme si l'imagination, portée à sa limite, était forcée, à son maximum, d'une compréhension simultanée.

Si le sublime, comme le dit Lacan dans le séminaire "L'angoisse" à propos du cauchemar, est la jouissance de l'autre, dont on repère la mise en acte dans le rêve, sa mesure est un micro répertoire de situation de cauchemar, non balisé par une limite, le phallus.
Pour Kant et Lacan le trait d'impuissance propre au sublime et le trait de satisfaction propre au beau, montre le souci de la bordure qui nous anime. Mais s'il y a accord sur le sublime, l'expérience du cauchemar, il y a en revanche une différence sur l'expérience du beau.
Pour Kant, elle concerne la maîtrise d'une forme close. Lacan fait de cette harmonie un équilibre instable et lui assigne une fonction de défense. Voir le beau pour ne pas voir la mort, Antigone.
Si le beau, pour Kant, est la paix intérieure de l'âme, pour Lacan, elle est l'abîme de la dialectique de l'outrage qui invite au blasphème et au franchissement.
Kant définit une limite entre le beau et le sublime. Lacan, opérant un basculement, trouve dans le beau une limite instable toujours sur le point de s'arracher à elle-même. En fait, Lacan opère sur Kant une opération kantienne.

Pour Kant, l'illusion transcendantale est inévitable. Lacan tient le beau pour une limite illusoire, pour un terme illusoire de la limite. Pourquoi ? Il faut saisir ici une différence majeure entre Kant et Lacan mais aussi le génie de Kant : La satisfaction du jugement de goût est désintéressée.
Lors d'une expérience esthétique ou si on me demande si quelque chose est beau, je suspends mon rapport à l'objet. Si on me demande si ce palais est beau, je peux répondre que je m'insurge contre la vanité des grands ou m'émerveiller comme au retour d'une image que j'ai habité, etc. Mais toutes ces raisons sont frappées de nullité car on ne me demande pas de raisons politiques, on me demande autre chose. On peut les approuvé ou les réfuter mais là n'est pas la question. Il ne s'agit pas d'idioties mais cela ne répond pas à la question. La vision de l'objet, l'expérience du beau est indifférente aux représentations, libre des représentations. Elle n'est pas dépendante de l'objet.
Le désintéressement implique, non l'objet mais sa représentation, son miroitement entre sensibilité, entendement et raison de la pure forme de l'objet.

Dans l'Ethique, Lacan évoque la disruption de l'objet chez Kant, et p304, les formes à l'œuvre pour Kant traduit son intérêt pour le beau sans que l'objet soit concerné. La perspective de Kant ignore l'objet dans sa matérialité, dans sa réalité.
Chez Kant, le point de vue esthétique du beau marque un deuil. Voilà ce qui donne raison à Lacan quand il associe l'expérience du beau et l'expérience de la mort. Antigone, tragique, est aussi banale.

En cure, une patiente dit : J'aime rester chez moi où la question de l'image que je donne ne se pose pas. Un patient, ingénieur du son : Quand je vais au cinéma, je me demande toujours si la place à côté n'est pas mieux et ça m'empêche de profiter du spectacle. La question de l'image est une question de bordure. Voir Melman, son article sur l'espace phobique dans le Trimestre psychanalytique consacré à la phobie.

Quelle est la bonne place pour voir si ce n'est celle qui vous dote du sentiment du pouvoir ? L'esthétique et la clinique ne se recoupe pas mais nous inspire se qu'en dit Lacan p279, 280, le beau reste insensible à l'outrage. Quand l'esthétique surgit dans une séance, elle masque une destructivité, une agressivité.
La première patiente pose une question qui peut se formuler comme suit : Comment éviter la compétition ?

Il faut ramener dans la banalité les leçons de Kant sur le beau et le sublime. Le sublime a quelque chose de l'hystérie mais l'intérêt de la philosophie kantienne est d'établir les coordonnées, de différencier les deux expériences et de voir que ce qui oriente ces expériences est leur rapport à la limite. Il s'agit donc, non de l'esthétique de l'art mais, d'un lieu pour la philosophie et la psychopathologie du surgissement de la limite sous des formes sublimées mais aussi dans le questionnement le plus quotidien. Voir "Le syndrome de Stendhal" et aussi les premiers paragraphes de Kant qui sont très accessibles.

Une extension possible de notre réflexion réside dans la critique lacanienne de l'esthétique transcendantale de la fonction du temps et de l'espace dans notre subjectivité selon un premier axe, l'espace kantien contesté par la psychanalyse et, deuxième axe, selon l'idée que Kant ignore radicalement l'incidence du langage (voir dans les écrits le rapport sur Lagache), qu'il s'agit d'une philosophie extérieure au langage, Hegel la dira anhistorique. Pour nous, le langage, la phrase existe non dans son fait mais dans sa grammaire et sa fonction de nomination. Merci.

11 novembre 2011

Charles MELMAN 03 11 2011

Charles MELMAN 03 11 2011

L'olivier donne ce privilège reconnu de pouvoir se retourner, de ne pas se perdre et oublier son identité en cette occasion et permet cette apologie du retour au pays natal symbolisé par une femme, à la fidélité assumée et surprenante, en tant qu'elle se confond avec la souche originelle renforcé par ce truc que c'est le lit conjugal que cette souche supporte.

Pour un analyste, où est sa terre natale ? Quelle est cette souche comme support de son lit conjugal ? C'est une question qui n'est pas si triviale qu'il n'y paraitrait. Nous le verrons dans nos prochaine journée sur le thème "Psychothérapie et psychanalyse", la question de sa terre d'origine en psychanalyse, natale et pourquoi pas, la question de son lit conjugal. Elle mérite quelque considération, cette question de la place spécifique su psychanalyste.

J'ai beaucoup voyagé ces derniers temps, et, de retour, je constate que je transportais cette terre natale avec moi. Surprise ! Quel que soit la diversité des lieux et des circonstances, j'abordais avec un questionnement commun ce que j'étais amené à rencontrer, avec cette identité collée au pied.

Istanbul, à l'Institut français d'études anatoliennes, ce reste de l'activité culturelle française dans la région, financée par le Ministère des affaires étrangères dont l'agent culturel a apporté cette question du culturel. En quoi reconnait-on qu'une action est culturelle en dehors du fait qu'elle soit banalement le produit de sa subvention.
La culture, c'est quoi ? Pour Lacan, la civilisation c'est le déchet. Cette formulation lapidaire fait remonter à Rome et son tout à l'égout pour montrer à l'œuvre cette espèce animale, la nôtre, qui évacue ses excréments et ses ordures, l'opération de retranchement qui la caractérise.
Ce qu'on évacue c'est le vil. Ce n'est pas une plaisanterie car on le vérifie en psychopathologie, de façon commune, dans les névroses obsessionnelles dont le problème est que il n'y a pas moyen de se débarrasser du vil, de l'excrémentiel, donc du fautif, de l'excessif ce qui peut engendrer ce symptôme identifiable, le lavage répété. Impossible de se retrancher, de se couper des pensées qui sont justement celles qui ne faudrait pas. Ces idées qu'on refoule d'un revers de main, lui, ne parvient pas à retrancher le plus trivial, le plus obscène, comme ce qu'on reconnait comme trait de la civilisation

La culture, qu'est-ce ? Avez-vous une proposition ? Oui, laissons les plaisanteries lacaniennes homophoniques. Une pratique du refoulement ? Bon début mais vous n'avez pas la fin. Partager le même refoulement ? Pareil. La culture comme névrose, ce n'est pas très gai. Tout ce qui est prescriptif, "Halte là, retenez-vous, un peu de distance, voyons", ce n'est pas terrible. Alors, la culture ? C'est l'arbre ? Je veux bien. Ce qui s'oppose à l'arbre ? Oui, justement.

La culture, et de même pour la civilisation, a toujours un aura sacralisé, c'est un mot grandiose, qui ne commencerais pas par ce qu'en dit Lacan.
Je vais ici assumer cette proposition : La culture, c'est les modalités données du rapport à la femme. Ce qui peut s'enregistrer localement sous le terme de courtoisie et de discourtoisie, ce dernier terme qui consonne avec DSK. Ce destin !
La culture, c'est la manifestation, la façon de poétiser, ou pas, avec ou à propos d'une femme.

Avec ce détour, je rencontre à Istanbul les modalités locales qui se recommandent parfois de la maîtrise absolue, proche de cet esclavage dont le mérite, ou le défaut, est d'effacer la spécificité féminine d'être autre et d'échapper à la maîtrise. Il s'en suit que nous pouvons constater que la courtoisie absolue serait une tentative pour résoudre ce problème en annihilant la non maîtrise.
Autre traitement possible de cette situation, à l'opposé de la courtoisie, l'affranchissement, la liberté absolue pour échapper à la condition phallique qui s'impose à l'un et l'autre sexe.

Dans ce mot de culture, avec la lecture lacanienne, il s'agit de prendre le bon ton contre l'idéal de cette tentative de toujours de corriger cette diabolique faculté d'une femme d'être l'objet qu'il ne faudrait pas, l'objet cause du désir qu'il conviendrait d'abolir.

A Istanbul, j'ai évoqué cette disjonction amour/désir que l'on justifie l'une par l'autre, le désir supporté par l'amour et l'amour dont c'est le corps qui témoigne. Cette union entre amour et désir se traduit immanquablement par leur disjonction. C'est une histoire des plus commune dans les diverses culture, à moins de faire comme Tintin, supprimer non la castration mais le sexe. Voir le succès de la Castafiore.
Disjonction car l'amour parfait consiste justement à le sacrifier, que ce soit l'amour pour la Dame ou pour Dieu. C'est le fondement de l'au-moins-un, une inscrite au champ de l'Autre, c'est l'au-moins-un. Si l'amour évacue le sexe, c'est banal mis voilà, on espère mieux. Le désir cherche à forcer ce défaut de l'amour idéal, parfait, et c'est parfaitement normal.

On reparlera de cette disjonction qu'on trouve déjà dans le théâtre antique, Plaute, Terence. C'est étrange, ce fils de famille qui doit choisir entre son désir et l'amour dû au père qui implique un devoir de soumission, de renoncement à son désir pour rentrer dans le commerce et faire un mariage de circonstance alors que lui a de l'attrait pour une donzelle. L'esclave, sensible à l'idée de le protéger de la soumission, va conseiller le fils pour tromper le vieux qui, surprise, finira par consentir au changement de programme. Il s'agit d'une représentation précoce de ce conflit, soit de l'impossible d'un rapport entre l'un et l'objet.
Un idéal mais aussi, qui compte dans le champ numérique. On peut écrire [1 réciproque a] mais [a], toujours, par définition, est à côté de celui ou celle qui le représente. Et si pour le rejoindre, vous prenez votre belle-sœur, comme Freud, ou la servante, comme Marx, parce qu'elle est à portée de main, cela n'empêchera pas qu'elle renvoi à la faille radicale qui est cause du désir, à l'impossible d'une fixation car une relation est toujours chargée d'éléments symboliques. On peut la déplacer ou la réduire, aussi petite qu'une tête de Jivaro, elle reste présente, active.

Comment écrire ce rapport entre ce [1] et ce lieu, toujours au-delà, sauf à cette opération de force auquel procède Lacan, inspiré par Cantor qui écrit la non inscription à l'infini. Lacan fait référence à l'Aleph, la lettre interdite dans l'écriture biblique qui a du commencer à Beth.
Faute de pouvoir l'inscrire, voir nos journée sur Wittgenstein (ce qu'on ne peut pas dire, il faut le taire), ce qu'on ne peut inscrire, on peut l'écrire. La parole n'est pas l'écrit. Et l'écrit dans l'inconscient, ça fait parler ce qu'on ne peut pas dire.

Lacan a écrit [a], on peut le faire rentrer dans les calculs, néanmoins on ne peut pas établir un rapport car on ne fait que signaler que si c'est écrit, c'est justement qu'il échappe. C'est tout bête sauf qu'on en mesure les effets en permanence, je ne vais pas vous en faire la clinique. En permanence, cette dénonciation ou ce refus ou cette quête de l'objet désiré.

Deuxième voyage, New York. Time Square. Le théâtre est dans la rue. Soudain, une foule immense envahit tout : c'est les indignés, ceux qui se mobilise à la suite des propos de Monsieur Essel. Indigné par quoi ? Par la présentification trop crue, blessante, d'une corruption généralisée, la réalité grevée de cet objet petit [a]. La civilisation voudrait qu'il soit évacué.
Crue, blessante, et comme régissant la vie des citoyens qui se retrouvent volés, ils ont fait des sacrifices, acheté une maison et désormais, ils sont à la rue et volés. Chez les jeunes, les slogans, les pancartes, s'inspirent de nouvelles modalités d'échange, naturelles, rousseauiste. Ils dénoncent un accaparement abusif et frauduleux de ces jouissances au détriment de la population, la tromperie. L'objet est effacé, le bénéfice devrait être le bien être, l'accès autorisé, permis, aux satisfactions accessibles, alors qu'avec cette émergence, c'est la précarité, la pauvreté qui est engendré.

Est-ce que ça passera ce que je dis ? Je voudrais dire qu'un des éléments de l'antipathie ancestrale qui accompagne le peuple juif, c'est que leur dieu réclame et accumule tous les plus de jouir auxquels, dés lors, il faut renoncer. Avant lui, ce simple déchet n'avait pas ce caractère de plus de jouir, c'était une ordure sans caractère particulier. C'est avec la religion, et en particulier cette religion-là, que le Père prend ce caractère de plus de jouir.

Avec ce paradoxe de l'aspect inaccessible de [a], pas dans une position de maître mais du fait de notre dépendance au langage pour laquelle nul besoin d'autorité ou de prescription. C'est ce qui fonde l'éthique de la psychanalyse : Ne renonces pas à ta jouissance. Vas-y, tu verras bien. N'aie pas peur. Tu te trouveras aussi joué qu'avant mais vas-y.

Si notre système était fait d'odeur, nous dirions que oui, ou non, c'est bon, ou ce n'est pas bon. Cependant, pour nous, être humain, l'odeur ne suffit pas. C'est avec la religion que s'organise le mythe du renoncement volontaire à cette jouissance. Sur un mode symbolique, sans imputation réelle, mais avec profit car c'est cela qui donne corps à dieu. Dieu, cette accumulation de l'être qui lui permet de se constituer comme [un]. Ceci rend compte de quel manière peut subsister la nostalgie de la grécité

Pour info, Sarkozy, qui n'est pas lacanien, nous dit qu'avec la Grèce, on progresse (rire). Et ses décisions sont unanimement acceptées. Tant mieux. Cette exigence généralisée, car dieu est universel, mais qui devrait aboutir à l'élection d'un peuple de prêtre, ça peut poser problème car la population considérée peut être de jouissance mais aussi bien de voleur. Et tout ça n'échappe pas à la psychopathologie.

Autre endroit : Fort de France. La ville. Qu'est-ce qui nous fait tenir ensemble ? Pourquoi cette agglutination croissante ? Qu'est-ce que l'isolement idyllique naturel de l'île vient à contribuer à cette aspiration à coller les uns sur les autres ?

Qu'est-ce qui fait que l'animal social qu'est l'homme préfère être avec son semblable plutôt qu'avec son environnement ? C'est que l'environnement, affronté solitaire ou en, ou hors, couple, ou en groupe, ne procure pas les mêmes sensations. Allez voir un film seul. Faites un repas en couple, ou pas. Pourquoi ?

Cela, sans cesse, nous rappelle que notre rapport à l'environnement, à la réalité, est médiée par l'instance phallique. On n’a jamais tant le sentiment de complétude avec l'environnement qu'en couple. C'est un drôle de truc : Il n'y a rien sans la participation de cet élément tiers.

Allons plus loin. c'est dans la relation duelle que se fait ce qui dans le rapport à l'environnement passe par la sensation que vous prêtez à l'autre, comme s'il fallait passer par ce semblable pour avoir accès à la perception de l'environnement mais aussi de vous-même.

Ici la psychopathologie rejoint la psychophysiologie. Cela se produit quand vous êtes en position autre dans le changement social et qu'il faut en passer par la sensation présumée de celui qui de plein droit est dans la réalité. Sans l'autre, vous n'avez pas accès à l'environnement et au fait que vous en faite partie.
Le lien social, ce qui nous fait tenir ensemble, est étrange.

Il aura fallu Lacan, pour aller bien au-delà de Freud et de la psychologie des masses qui ne concerne que l'organisation des foules mais non ce qui fonde le lien social. Il fallait Lacan pour établir que le lien social est un discours, c'est à dire des modalités préétablies d'un lieu entre l'un et l'autre, dont il résulte quatre places. Quatre places fixes et quatre termes qui occupent ces places et ont leur cohérence propre, entre eux, quelque soit la fixation.

La générosité, celle qui veut trouver à remédier, ne peut qu'être prise dans un de ces quatre discours, dont, ici, nous n'avons qu'un aperçu latéral. Pourquoi ne pas vérifier avec la question des antillais ? Le lien social des sociétés postcoloniales sont fondées sur un rien du discours mais sur un tout de violences traumatiques perpétrées par un colonisateur sans discours.

Des quatre places creusées par le dire, deux appartiennent au champ de la réalité de la place dite du maître et de la place dite de l'objet, de la satisfaction, du savoir, de la jouissance, la place autre. Il y a ce signifiant, S1, signifiant maître, et le S2, le savoir, la satisfaction.

S1 et S2, pourquoi ? Le [un] d'S1 est ce qui fait découpe dans la chaine sonore, découpe justifiée par le sens, un sens qui renvoi à l'au moins un dont s'autorise le signifiant maître, le S1.
De l'au-moins-un, le pouvoir et l'autorité s'exercent à partir d'un adoubement qui se réclame de l'au-moins-un et affirme sa légitimité du pouvoir en place. Dans l'histoire, on ne compte plus les bagarres pour savoir qui aura le dernier mot de l'autorité ou de l'agent du pouvoir. Aussi bien, c'est le plus plat dans la vie conjugale.

Il est étrange de combien c'est caché que dans les couples machistes, ce soit elle qui détient le pouvoir. C'est très banal. Et qu'elle fasse de lui l'agent de son pouvoir, à qui elle délèguera son autorité. Si vous avez gardé une âme d'enfant, vous repérez comment la mère délègue, ou pas, son autorité. Considération lointaine ? Nous sommes au cœur de la psychopathologie de la vie quotidienne.

S1 de par la découpe dans la chaîne sonore et par l'organisation du bon sens, le sens phallique, que recommande l'au-moins-un. Il attend que le signifiant maître soit à la hauteur de la tâche, c'est à dire qu'il soit représenté dans le champ de l'autre, noué, et donc enté dans le champ de la réalité, S2, en tant qu'S2 présentifie la satisfaction, du, sinon l'offense au, signifiant maître.

Et entre eux deux, il y a cette perte qui permet de rejoindre ces deux places, hors de la réalité, donc non perceptibles, mais qui sont dans le Réel, c'est l'objet chu. C'est le plus-de-jouir, cause de cette rencontre jamais accomplie dans sa perfection car, toujours, entre eux deux, il y a cette perte de l'objet qui cause leur réunion. Et à cette même place, S barré, le sujet de l'inconscient, à la place de cette faille de cet objet [a], bien avant que le corps se satisfasse partiellement. A cette place, le signifiant ne représente pas le sujet. Il dit ce qu'il en est de son être, soit de de l'objet dont il ignore tout, il est inconscient.

4 places, 2 réalités, 2 réels, S1, S2, les hommes, les femmes, c'est superbe, c'est magnifique cet objet perdu qui est le fait du signifiant manquant à la voie qui en émerge, qui viendrait dire ce qu'il en est de son être. Trois signifiants dont un manque et puis la lettre qui prétend qu'aucun signifiant maître ne se rendra maître de la lettre. Que toujours la lettre échappera au signifiant.

Au passage, remarquons que l'objet petit [a] n'est ni un concept ni un signifiant, c'est une lettre, c'est à dire qui échappe à la signification.
Nous, nos collègues, sommes pris dans une culture des modalités S1/S2 et leur au-moins-un qui les réuni ou les sépare, du fait de l'histoire, mais tous sont confronté à cette division radicale du maître et de l'esclave, avec ses conséquences sur l’organisation de chacun.

Comment ne pas estimer les exclus du discours du maître et de l'au-moins-un ?
Les tentatives de s'inventer un maître originel à partir de sa langue?

Il est impossible de sortir rapidement de ce type de division car le mur mitoyen n'est pas reconnu, de part et d'autre, ni par le maître ni par l'esclave, que la langue originale n'est pas en rupture avec la langue du maître mais son dialecte, c'est à dire son produit. Comme on le voit au Créole selon qu'il subit l'occupation française, anglaise ou les deux, il diffère.
Il y a ceci qui ne sera donc pas reconnu, c'est qu'il n'y a pas de langue originelle, donc, aucun sous produit en continuité avec la langue du maître. Si cette reconnaissance n'est pas établie, pour rétablir la structure moébiusienne du S1 et S2, dans ce contexte, la douleur, dés lors originale, aura de nombreuses conséquences.
Toutes les tentatives de fixer la langue créole, fondée sur un guide, un grand esprit installé, aboutissent à l'échec, car il n'y a pas d'évidence de reconnaitre un maître qui n'a pas la même couleur, qui parlerait un patois, ce qui est faux, et qui ferait filiation.

C'est un aspect étrange de la psychanalyse que ses applications se recoupent avec le divan où l'on vérifie, chaque fois qu'une souffrance spécifique relève de la vérité linguistique, que nous sommes primitifs quand nous ne reconnaissons pas nos propos d'enfant. On les adopte mais la filiation, ce n’est pas ça.
Et quand il n'y a pas de progrès là-dedans, ça dure et c'est dur.

Revenu à mon olivier, se dégage une place toujours la même qui permet l'analyse et qui explique ce trait étrange : Une fois qu'on y est dans ce lieu, il n'y a plus moyen d'en sortir. Il vous accompagne toute la journée. Un dentiste retire son tablier quand la journée est finie. En psychanalyse, c'est différent. Ce n'est pas un choix. Avec ce genre de domicile, vous ne pouvez pas claquer la porte.
Merci.

9 novembre 2011

Marcel GAUCHET 03 11 2011 histoire de la psychanalyse

Marcel GAUCHET 03 11 2011 Histoire de la psychanalyse

La constitution de l'objet névrose est un mouvement qui a deux aspects essentiels. L'hystérie dont l'étude sera détachée de la neurologie et cet ensemble de symptômes, l'obsession, la phobie, qui vient de la psychiatrie. Avec, notons-le, la notion de neurasthénie apparue en 1870, qui disparaitra mais qui sera la source d'une production théorique comme d'un discours social qui agit encore actuellement, notamment en Chine où l'actualité montre le succès de ce terme.

La jonction des notions d'hystérie et de névrose chez Janet et chez Freud, dés cette date repère de 1894, opère un redressement de la perspective qui focalisait uniquement sur l'hystérie, oubliant l'aspect globale du phénomène, soit laissant une moitié de côté. Cette perspective pêchait par unilatéralisme qui oublie cette dimension de la folie dans le domaine de la psychiatrie pour ne répondre qu'en termes de redressement morale et toute la panoplie thérapeutique qui s'en suivit.

Donc voilà, il y a un travail conceptuel qui abouti à la névrose et à cette découverte freudienne, l'inconscient, dont nous avons à cœur d'en retracé l'itinéraire historique. Il y aura lieu de s'attacher au sens ancien du terme névrose par rapport au terme actuelle. C'est une partie ingrate et difficile, l'abondance de littérature et la confusion qui règne dans le discours médical, montrent les difficultés que l'on rencontre dans cette clinique.

Un repérage historique simple est l'apparition du mot névrose en 1769 dans les ouvrages de William Cullem qui, en 1777, publie un dictionnaire médicale européen, traduit en plusieurs langues. Il définissait la névrose comme une affection sans atteinte organique mais dont la sensibilité et les mouvements sont atteints. Il préfigure les troubles fonctionnels du système nerveux du 20e siècle.
Sa tentative de rigueur pour le classement des névroses en quatre parties, dont les communes, les vésanies (folie), l' hystérie et l'épilepsie, tranche avec le reste de sa littérature, inintelligible et obscure, qui, cependant, mérite qu'on s'y attarde. La somme de ses écrits est énorme et il n'est pas utile ici que nous en totalisions l'apport.

Mais quelque chose chez lui nous intéresse directement. La question, tel que Janet et Freud se la posaient en 1880. La névrose était en vogue et a provoquer de nombreuses publications dont nous n'aurons pas le temps, non plus, de faire le tour. Il y avait des best sellers. Le Traité des névroses d'Axel Fed et Huchard fait autorité en 1883. Il y avait l'équivalent Anglais, le Gowers, l'équivalent allemand, de Rosenthal, Clinique des maladies nerveuses. Un noyau dur, en commun, était que la névrose était constituée de trois maladies, l'épilepsie, l'hystérie et l'hypocondrie.

Chacun ajoute ou retranche, se différencie un peu des autres mais le noyau dur, la névrose classique, est constituée par ces trois maladies et cela depuis Cullem dans un rapport à explorer avec l'héritage antique. Nous éviterons les avalanches de mots, de titres, de dates, et d'évocations théoriques auxquelles nous ne comprenons plus rien et qui nous laissent imperméables.
Mais nous devons essayer de nous y orienter car l'exploration de cette littérature nous renseigne sur les stéréotypes culturels et nous donne des instructions sur les connaissances scientifiques nouvelles pour chaque époque. Il y a lieu d'avoir quelques notions de bases des névroses au sens anciens.

Pour comprendre ce qui s'est passé entre Cullem et Freud, il y a quatre axes principaux.
D'abord, l'objet névrose charrie un héritage culturel et médical formidable, qui associe la Grèce et la Rome antique dans des traductions et des représentations ancrées profondément dans la culture populaire au passé chargé qui est la nôtre.
Ensuite, derrière les névroses de Cullem, il y a la formation de la médecine moderne et la montée en puissance de la découverte du système nerveux.
Il y a aussi ce fait qu'avec les névroses, anachroniquement, une appréhension sociologique, sociale, se développe car la névrose apparait comme n'appartenant pas seulement au fait du système nerveux, mais aussi au fait de civilisation, de l'état de la personne qui reste à comprendre.
Enfin, avec la névrose, le discours médical est en négatif dans la mesure où cette maladie dépasse ce que les critères médicaux et scientifiques, basés sur la lésion organiques, peuvent proposer.

Il s'agit des axes de la modernité de la névrose. On peut l'opposer à nos notions modernes ou la raffiner mais ce qui, à nos yeux est important, c'est la mesure de l'événement intellectuel.

Chacune des trois maladies distinguées méritent qu'on en écrive des volumes pour en envisager leur insertion dans la culture, les discours, les pratiques. De fait, il existe une énorme littérature à ce sujet.
L'épilepsie, étymologiquement une maladie sacrée, est une des maladies les plus saillantes de l'époque. En anglais, Temkin écrit "Le mal caduc". Elle est actuellement tombée en désuétude.
L'hystérie montre l'intérêt de la littérature pour le passé de cette notion, voir Ulsa Weith.
Quant à l'hypocondrie, on peut se passer de cette énorme littérature à son sujet dont la lecture est très ingrate mais pour en garder quelques repères.

Ce que ces maladies installent progressivement, c'est un rapport au corps, un certain régime de la corporéité, encore présent dans l'environnement culturel de notre propre culture.
Epilepsie et hystérie sont manifestation de la soustraction du corps, d'un trouble de la cause qui en ôte la maîtrise. L'hypocondrie, plus spécifiquement, montre l'illusion de l'esprit sur le corps, ressentis comme autre que ce qu'il est.
Cette soustraction au subjectif les apparente aux phénomènes de possession. Phénomènes banals, encore actuellement, dans les cultures où le corps est un extérieur à soi. Ils s'inscrivent dans un vieux débats, sur le naturelle et le surnaturelle, impossible à trancher.
Dans la mesure où le corps est exposé au rapt par des forces surnaturelles, l'invisible peut s'en saisir. Le corps n'est plus de nature mais d'âme, d'esprit, qui le conduisent à travers un pouvoir spirituel.
Le cadre culturel est divisé par deux ordres de réalité. Le visible du corps, la nature. L'invisible, l'esprit, l'âme, mais aussi la participation de notre être, qui peuvent se saisir du corps, comme dans l'épilepsie, maladie sacrée car est sacré ce qui intervient et qui rappelle la division qui nous habite. De même, l'hypocondrie qui est cette étrangeté d'un corps pour l'âme qui l'habite mais qui se méprend.

Le 19e siècle se consacre à la compréhension de la maladie nerveuse actant que la possession est un fait mais pas toujours d'origine diabolique. Ce n'est que ce dernier aspect qui sera abandonné par la médecine. L'histoire atteste que les explications naturelles existaient depuis l'antiquité mais sans l'opposition que nous connaissons, un seul système associait ce que nous reconnaissons comme deux côtés. A l'époque moderne, on aboutit à l'expulsion pure et simple du surnaturel, le trouble relève d'une maladie nerveuse, point.

Il ne faut pas y voir la seule victoire des lumières sur la superstition mais un changement dans la place du corps en regard de cette question : Qu'est-ce qu'avoir un corps ?
C'est dans l'établissement de la fonction des nerfs que le 19e siècle a trouvé le support de l'appropriation subjective du corps où se substitue à une vision coupée entre naturel et surnaturel, une image du sujet humain où l'âme et le corps ne font qu'un. D'où cette question, depuis Descartes : Comment coexister ?
Ce sera le système nerveux qui deviendra le fait du corps et aussi la condition de la subjectivation du corps et cela est un trait particulier de notre culture. Le corps ne sera plus ouvert sur l'invisible mais susceptible de nous échapper par les maladies.
La connaissance du rôle du système nerveux ouvre le pensable subversif d'une possession corporelle de soi. Avec les pertes de conscience, les mouvements involontaires, l'étude du système nerveux constitue l'histoire de la représentation de soi qui commence à s'écrire. Tout un pan de notre culture dont le rôle est crucial dans la formation de notre conscience moyenne actuelle.
Ce progrès est la grande spécificité de la médecine moderne et le facteur de rupture essentiel avec la médecine antique, en particuliers galienique, faite d'humeur et d'esprits animaux. On a beaucoup insisté sur le rôle majeur de la découverte de la circulation du sang, avec Harvey, mais c'est le développement parallèle de la découverte du système nerveux, avec l'anglais Willis, qui ruine l'ancienne médecine et la théorie des humeurs. Elle sera déterminante car elle donne une autre image du corps et du corporel.

En ce domaine, rien ne va en ligne droite, les vielles théories sont rhabillées, c'est une constante. Les vapeurs, par exemple, sont en cours au 17e siècle et dans la première moitié du 18e. Mais de quoi ça peut bien parler, nous n'en savons rien. Il s'agit en fait des retombées théoriques de la découverte des chimistes londoniens sur le gaz, l'air, le vide, qui épouse les découvertes révolutionnaires de la fermentation organique qui produit une vapeur subtile qui ne peut avoir que des effets sur le corps. Bel exemple de médecine ancienne réanimée provisoirement par la nouvelle.
En général, dans la médecine classique, il y a toujours interaction entre ancienne et nouvelle médecine. Ici, selon cette ligne de partage entre les iatromécanistes, la machine corporelle pourvue d'une pompe, et les iatrochimistes, éventuellement alchimistes. Pendant près d'un siècle, on a mélangé la tradition et la science nouvelle.
En Angleterre, vers la moitié du 18e, l'apparition explicite de la notion de maladies nerveuses se confronte au désordre, au fatras en somme, de la littérature de l'époque. Voir "La maladie anglaise" de Chegon, en 1733, sur le spleen, les vapeurs, l'hystérie, etc. Ou plus décisif, de Whyh en 1765, "Observation sur la nature (...) des maladies nerveuses, des hystéries, hypocondries, etc." à propos des tremblements, palpitations, spasmes, convulsions, etc.

Cependant, c'est de cette manière que le système nerveux s'est constitué ses maladies propres et que la notion s'est imposée de manière irrévocable. Paradoxalement, la prépondérance du système nerveux, pour Cullem, toutes les maladies sont en quelques sortes d'origine nerveuse, aura cet effet de provoquer un courant vitaliste, une résurgence de la médecine hippocratique, qui s'oppose à la médecine de Galien, pour qui ce n'est ni chimie ni vapeur mais le principe vitale qui circule dans le système nerveux et qui permet de comprendre les maladies sans lésions organiques.
Ce n'est pas par hasard que les premiers psychiatres, dont Pinel, sont néo vitalistes. C'est l'esprit qui est atteint, sans substrat organique.

Deux ans seulement après Whyh, Cullem fait des névroses une classe de maladie issue de sa démarche nosographique qui vise à classer les maladies comme les végétaux et les animaux sur le modèle de la règle de Linné de la botanique. En vue d'une médecine encyclopédique, il faut créer des catégories de dénomination et c'est à ce titre qu'apparaît la névrose. L'objet névrose est un produit de la nosologie.
D'où ce curieux voisinage, le but étant de lui trouver une place dans un ensemble où pourrait exister les phénomènes les plus éloignés des uns et des autres.

Auparavant, pourquoi ce qualificatif de maladie "anglaise" ? C'est que les anglais avaient cette position qu'ont à peu près les américains d'aujourd'hui, libre, riche, commercial, civilisé, etc. La maladie nerveuse était le prix à payer de cette civilisation, les retombées de la vie individualiste, du luxe, de la vie urbaine, du confort qui provoque l'engourdissement et qui est le signe de la dégénérescence. Thème encore actif actuellement. Le système nerveux, véhicule de nos impressions, de nos mouvements, donc de nos mouvements involontaires, sa sensibilité, son irritabilité, sont encore des notions actuelles.
La fin du 18e sera l'âge d'or des "âmes sensibles", dont l'idée de compassion mais aussi de déstabilisation et de sensibilité. C'est l'introduction de l'affectivité dans cette question de l'économie subjective qui commence à se poser.

La névrose, maladie nerveuse, est une maladie de la sensibilité qui tombe électivement sur certains plus que sur d'autre, sur ceux pour qui le luxe, l'oisiveté mais aussi la vie recluse, intellectuelle, en fait tout ce qui impact la sensibilité, a un effet négatif. Les théories à ce sujet d'un Tissot dans son "Traité des maladies nerveuses" et son essai sur la santé des gens de lettres, produisent des best sellers européens.
Il s'agit d'un fléau mais à contrario, il s'agit aussi d'une maladie estimable en ce sens qu'elle est un révélateur de l'excellence des dispositions. Les gens sont fiers de leur maladie qu'ils portent comme un blason pour s'en plaindre mais pas pour en guérir. Une maladie qu'on pouvait s'approprier. Ce n'est qu'ensuite que les patients afflueront aux cabinets de Janet et de Freud.

Tant que la maladie nerveuse était cantonnée à l'anatomie clinique, la question était : Où est la lésion ? D'où la contradiction entre la recherche de maladies fonctionnelles et une approche plus prudente, de description, de classement, qui évite de se prononcer sur le fond en l'absence de lésions avérées.

La consécration des névroses est liée à Pinel, dernier grand nosographe, premier aliéniste, qui n'était guère reconnu à l'époque que pour ses classifications. Le plus remarquable chez lui est sa prudence dans le domaine des névroses. Il convient simplement que ces manifestations sont lésions de sentiment et de mouvement sans affections locales et qui ne laissent aucune trace après la mort.
Son raisonnement est de poser la névrose comme une étiquette sur un ensemble hétéroclite dont au moins quelque chose fait unité, sa relation étroite avec le système nerveux, lequel couvre une grande diversité de fonction dans le corps. Ce point de vue rend les éventuels dysfonctionnements moins étonnants. Sans en avoir le mot, il a cette intuition, cette idée de trouble fonctionnel.

Il distingue les nerfs des sens (la vue, etc.), des fonctions cérébrales (qui provoquent comas, épilepsie, mais aussi, par ailleurs, les vésanies, etc.). L'ensemble participant de trouble dit central.
Ils distinguent également les nerfs des organes de la locomotion (convulsion), de la nutrition (anorexie), de la fonction sexuelle (nymphomanie et hystérie). L'ensemble participant de trouble dit périphérique. Le débat entre trouble central et trouble périphérique a agité tout le 19e siècle.
En classant l'hystérie parmi les troubles périphériques, Pinel montre qu'il reste adepte de la théorie utérine qui définit une maladie de la matrice mais chez lui, réexaminée grâce à cet intermédiaire qu'est le système nerveux. Encore une idée ancienne réintroduite par des idées nouvelles.

Tout cela a aboutit à un capharnaüm déconcertant dont la logique, cependant, nous intéresse. Ces écrits qui peuvent sembler absurde sont cependant écrits par des gens intelligent qui méritent qu'on fasse l'effort de les lire en tenant compte de leur propre articulation pour les comprendre.

L'objet névrose est l'introduction de l'idée d'un ancrage physique sans support organique, ancrage de la maladie des nerfs, physique, mais sans substrat organique. C'est ce qui la rend acceptable. Cette représentation d'une psychophysiologie quasi indestructible car liée aux progrès de la connaissance du système nerveux, explique cet enracinement de la notion.
Le trouble psychique semble contester la notion double de maladie des nerfs. En fait, le psychique est un pas de plus, nonobstant construit sur le frayage du corps incorporé dans la subjectivité.

Le corps subjectivé est une idée de Freud qui continue à gêner, cette autre conscience du corps dans l'économie subjective est difficile à appréhender. A ce stade, il suffit de mesurer comment l'image des troubles marque des étapes dans l'histoire de notre culture.
Je procède à grand trait mais ce que je veux montrer, c'est l'utilité de ce jeu, qui en vaut la chandelle même si c'est un peu laborieux, pour éclaircir un arrière fond important.
Merci.

6 novembre 2011

Marcel CZERMAK 20 10 2011 Transsexualisme

Marcel CZERMAK 20 10 2011 Le genre

On m'avait volé un paquet de papiers et voilà qu'hier soir, j'ai retrouvé à leur place tous les documents sauf mon courrier personnel. Donc il y a du transfert là dedans soit une adresse. Est-ce un homme ? Est-ce une femme ? Ou la police ? Bon, la police ne m'aurait pas rendu la documentation sur le transsexualisme. Mais en tous cas il y a du transfert. Qu'est-ce qu'il ou elle va faire de mes documents personnels ? Un fétichisme de mon courrier ? Voilà une catégorie non encore discutée en clinique. Comment la calibrer nosographiquement ?

Et la question du genre ? N'est-elle pas posée devant le non rapport sexuel ? Devant un Autre tellement autre qu'il est impossible de l'attraper. Comme dans un vrai couple, il y en a au moins un qui est fou. Et il n'y a pas de recette. Ca se saurait et ça continue à faire du malheur. Tout ceci pour vous mettre dans l'ambiance comme me disait une petite amie.

Il y a en France une réflexion active sur les mœurs et la sexualité. Sur l'identité sexuelle, il y a "Campus de Paris", deux pavés. Il y a un questionnement sur l'identité personnelle. La question prégnante est de savoir si le genre détermine cette identité.

Moi, j'ai appris ce qu'il en serait du masculin et du féminin mais la baise ? J'ai rien appris.

On reprend Judith Butler et ses Gender Studies comme quoi le genre détermine l'identité sexuelle, on y ajoute éventuellement un peu de psychanalyse, et tout, et tout, pour identifier un homme ou une femme à l'hétéro, au bi, au multi, etc. Vaste programme eût dit De Gaulle. Il ne faut pas rater "La domination masculine" de Bourdieu et Foucault et encore Butler avec "Trouble dans le genre", etc.

Il y a création d'une chaire "Genre" à Science Po. Le genre a pignon sur rue et devient matière obligatoire. Et aussi, ça les décoiffe. C'est des études d'un nouveau genre, assumées, et ambiance garantie. Est-ce innovation ? Cela a été décidé lors d'un déjeuner plutôt classe : Plus de grandes écoles sans études sur le genre. Le président Fitoussi n'est pourtant pas un imbécile, qui écoutait s'étonner A. Sen qu'il n'y avait d'étude sur "Le genre en France".
Tous le monde, ce n’est pas la lutte des classes, mais, tous le monde y va, comme Marx l'aurait souhaité mais pas dans ce but. L'ai-je lu ? Marx a fait un gosse à sa bonne et c'est Engels qui en avait assumé la paternité.

Ces études sur le genre devraient être conduites de manière transversale. Ca, ça veut dire qu'il se couche. Et de manière pluridisciplinaire. Là, on empile les sous-couches, blanches et noires, on s'en fout car c'est justement cela qu'il faut éliminer. En fait, les gender studies abordent un domaine professionnalisant.

On dira que je suis un catho, un réac, mais je m'en fous car je suis un juif, un mécréant. L'enseignement catholique s'inquiète de voir dans Bordas la théorie du genre pour la Terminale contestant la différence entre les hommes et les femmes. Même les juifs se feraient du souci. Dans le Figaro du 02 06 2011, la croisade US contre l'hétérosexualité obligatoire a perdu le sens de l'humour.

Personne ne rappelle : Tu ne sais pas qui tu es ! Un jour, quelqu'un demande à Lacan : De quel sexe êtes-vous ? Je ne sais pas, répond-t-il. La France est méfiante mais il y a des centaines de programme au US, or, il y aurait milles programmes qu'ils seraient construit sur des nèfles. Personne ne choisit d'être homo ou hétéro.

Mais l'enseigne devient obligatoire, nous voilà bien dans la brutalité que devient parfois l'impossible d'un sexe à l'autre. Et les parlementaires ne sont pas mieux armés mais ils se sentent obligés de trancher, au bistouri, alors que cela n'a rien d'impératif. Il reste qu'on peut faire des enfants sans aller au lit. Comment s'en soulager ? La réponse est simple : Au labo, et ihs Allah !

Récapitulons. Le Monde du 01 10 2011 rappelle qu'en 1996 ou 1997, un article sort sur cette question qu'a soulevée en 1991 la Cours européenne des droits de l'homme sur l'indisponibilité de l'état de la personne, principe juridique qui traduit en droit la castration. C'est "Tu te débrouilles".
Une Cours influencée par l'approche anglo-saxonne, elle suit, comme en France, et à partir de là, les hommes, les cas sont rares pour les femmes, ont deux ans pour changer d'avis. Sinon, c'est l'opération et le changement d'état civil.
Bon, c'est irréversible, ce n’est pas de la rigolade, mais comme le problème est indécidable, la Cours décidera que les gens n'ont qu'à choisir eux-mêmes.

Au premier congrès sur le transsexualisme, Lacan y était, entouré d'un monde d'avocat américain qui posaient qu'en démocratie, pourquoi ne pourrions-nous pas choisir notre sexe et notre sexualité.
Finkielkraut dernièrement a invité Geneviève Fraisse, du CNRS, qui jongle avec la terminologie du genre, parité, droits sociaux, et le psychanalyste, son contradicteur, se tenait à carreaux. Il a quand même terminé par lui ruer dans les brancards.

Dans l'article du Monde, ça prend une tournure politique. Le genre serait voué aux gémonies de l'UMP, le parti présidentiel, qui demande le retrait des décisions dans ce domaine qui relève du non scientifique. C'est assez raisonnable mais personne ne sait ce qu'être scientifique.

Simone De Beauvoir est allée voir Lacan pendant des mois avant d'écrire "Le deuxième sexe". A la fin, elle a écrit "On ne nait pas femme, on le devient". Reste à savoir par quel chemin.
Pour Irène Thiry, le moi est de la culture et le corps, du génétique. Mais, question : Moi, culture, qu'est-ce que la culture ? C'est le langage.

Toujours dans cet article, je note l'accent mis sur une approche bio psycho sociale. Là on est tranquille. Ca m'amuse toujours. Un bon méchoui, excellent, tellement bon qu'on ne demande pas ce qu'il y a dedans.
Et dans le deuxième paragraphe, cet objectif : Rendre la femme visible ! Les Palestiniens, selon Sauber, sont invisibles. Mesdames, je ne vous vois plus, désolé. Alors nous sommes d'accord avec l'entreprise de déconstruction des sciences sociales made in US. Normal puisque vous, les femmes, êtes invisible.

J'avoue que j'aurais bien voulu qu'elle soit invisible mais voilà, l'éternel féminin n'existe pas. Je n’ai pas lu la bible mais je crois que Salomon déjà avait affaire avec une reine.
Le travail consiste à rendre la femme visible et ça, c'est symptomatique. Un symptôme que l'on va traiter par la politique.
J'avais en consultation une comédienne d'une beauté, tellement belle qu'elle se demandait : Qu'est-ce qu'il veut ? Mon oreille, mon cul ? Dans la vie, elle était invisible. Déshabillez-vous, messieurs, mesdames, ça ne changera rien.

Voilà sur quel terrain nous avançons. Cette débilité. On voudrait que tout soit clair, qu'on sache comment on fait un homme ou une femme. Comment ? C'est simple, il s'agit "d'un code qui façonne une compétence sociale".
Des codes, il y en a beaucoup, qui façonne, un théâtre, de pantin, la compétence sociale, l'aboutissement comme compétence, comme homme ou femme liés à des codes. Je veux qu'on m'explique.
"La femme est l'angle mort de la politique". La reine vierge ? Mon œil. Nombre de femme ne sont en aucun cas dans un angle mort.

"Jusqu'en 1970, personne ne conteste la masculinité de la politique". C'est vrai. "Les questions utiles viendront en 1993 : Pourquoi cette exclusion des femmes ?" C'est que les français situaient la question hors du champ religieux, identitaire, citoyen, qui les rassemblait, et quant au reste, on verra après.

"Comprendre plutôt que classer". Que je sache, il est de notoriété qu'il faut comprendre pour classer et classer pour comprendre.
"Le genre n'est jamais neutre", accompagné d'une photo ambiguë quant au sexe du modèle mais très beau. Ca me rappelle un ami qui buvait un whisky dans un avion lorsque soudain il craque pour une femme superbe qui se révèle ensuite être un homme. Et on voudrait nous donner des leçons ?

Vous m'avez demandé de la bibliographie. J'ai en 1956, Jean Marc Albi, sa thèse sur le transsexualisme, discutable mais saluée par Lacan. Safouan a fait une étude sur l'Oedipe, et un chapitre où il critique Stollers à propos de la notion de genre. A l'époque, tout le monde s'en foutait. En 1978, Czermak a fait une conférence à Vincennes, flop radical. On a repris le mord aux dents, après la décision de la Cours des droits de l'homme, quand l'Académie de médecine, lors d'une engueulade mémorable entre d'estimables professeurs, a pris la décision de demander le changement d'état civil comme complément thérapeutique. Ca nous posait des questions de fond.

Depuis quand le droit est-il un complément thérapeutique ? Je me rappelle, dans l'histoire, quand les juristes définissaient la thérapeutique, le troisième Reich, par exemple. Admirable castration, pas besoin de bistouri, ça coupe tout seul. Devant un impossible, on demande au politique de trancher et par retour, ce qui nous revient des US, c'est que nous sommes en retard !

Il y a un numéro du Journal français de psychiatrie consacré au transsexualisme.
Il y a aussi deux bouquins de P.H. Castel "La métamorphose impensable". Bon, on ne s’éloigne pas trop de la presse.

En fait, on a pris le mord aux dents en deux temps. Comme quoi, on procède plus souvent par empilement que par tressage. On a sorti un premier volume sur l'identité sexuelle, bien étayé, 582 pages, suivi d'un deuxième volume en 1996, 444 pages. Ces milles pages sont issues d'un colloque pas zen du tout qui, une fois publié, c'est à dire, une fois limée les aspérités, il en est résulté que l'ALI allait le foutre au pilon tellement on avait d'invendu. Je m'y suis opposé : Quatre ans de travail, de la gamberge depuis 1970, merde.

Lisez la préface. Il y a cent ans, Freud faisait une conférence, la première du genre, sur la détermination sexuelle de l'hystérique. L'intérêt de ses collègues, bouleversés, l'engageait à persévérer. Kraft Ebing, prix Nobel de médecine, avait Freud en sympathie. En avançant qu'on dirait "un conte de fée scientifique", il visait les bases médicales de la psychanalyse.

Enfin, à Science Po, on répond : Je sais bien mais quand même. Tout ça c'est des belles histoires.

Demain, je vais à Tanger. Au programme, l'identité et la sexualité, le genre humain sous ces aspects bio psycho socio. Et j'y fais une intervention sur la sexuation. Est-elle un objet politique ?
Je ne sais si c'est un cadeau car au Maroc, c'est difficile de parler de sexe, de politique, de religion. Bon, allez Marcel. On ne te foutra pas en prison ! Mais il y a aussi "L'homosexuel est-il un homme".
Je suis toujours d'accord pour voyager au frais de mes copains marocains. Mais l'intervention est gratos, par amitié. Le gratin scientifique marocain a besoin de son pote. Czermak !

Pourquoi l'hétérogénéité de la sexualité et de la sexuation est complètement éliminée de la presse ?

Aurais-je l'occasion d'en saisir un fil rouge ? Comme celui que la marine anglaise tressait dans ses cordes pour repérer celui qui en volait. Merci.

2 novembre 2011

Marcel GAUCHET 20 10 2011 histoire de la psychanalyse

Marcel GAUCHET 20 10 2011 EPHEP Histoire de la psychanalyse.

Notre question est : Qu’en est-il de l’émergence de la psychanalyse, dans sa pratique et sa théorie de l’inconscient, en tant qu’elle ne serait intelligible qu’en tenant compte d’un de ses objets cliniques particuliers, la névrose.

La névrose est ce qui va cristalliser la théorie et elle est l’opérateur de cette pratique liée à l ‘avancée freudienne.
Son exploration nous emmène loin :
Du point de vue de la théorie, la névrose est un opérateur, un accélérateur, qui regroupe des apports de différentes directions mais en particulier celle de la théorie de l ‘évolution.
Mais aussi dans le domaine social et culturel, la névrose est le révélateur d’une crise identitaire du 20es.
Enfin, l’objet névrose est le point d’articulation de la découverte de Freud, de l’inconscient et de l’avènement du sujet.

L’entrée en cette matière que constitue l’objet « névrose » est le moyen d’échapper à l’effet d’optique qui, comme je le suggérais la dernière fois, nous conduit au déni d’inscription historique.
La rupture de Freud est cette discontinuité radicale, cette nouveauté ne devant rien à l’illusion d’optique qui attend, bien entendu, toujours sa démonstration.

Admettons la nouveauté, mais comment la mesurer ?
Cette discontinuité radicale est créée par la coalescence d’élément du contexte. La névrose est ce point de cristallisation des données culturelles, sociales et scientifiques de son temps qui peut nous servir de repère dans la confusion que provoque l'idée que le nouveau ne se rattache à rien.

Il faut les bons outils pour comprendre comment s'articule les différents apports. L'outil le plus humble, le plus pratique, dont Freud s'occupe en praticien, mais en praticien soucieux d'un nouvel objet, c'est : la névrose.

La névrose posait un problème théorique et pratique au thérapeute. La réponse de Freud est une tentative de réponse à ce souci thérapeutique. C'est la révolution psychanalytique.
Comment une situation donnée est capable d'attirer les éléments historiques qui favorisent sa compréhension intellectuelle ?
La névrose est l'opérateur concret pour aborder la fusion de ces éléments historiques mais aussi, la compréhension du psychisme, du psychique. Notre méthode sera l'inventaire lié à cet objet.

Qu'est-ce qu'on pouvait faire des névroses avec l'arsenal thérapeutique d'un Freud au 18e s ? De quoi disposait-on pour résoudre les questions que la névrose posait ?
En fait, il y avait trois directions :
Ce qui appartient à la tête de Freud, sa formation, ses choix théoriques.
Ce qui vient de l'objet, ce qu'il comporte comme théorie "incorporée" dont Freud, et d'autres après lui, n'ont pas conscience.
Ce qui vient du contexte, par le truchement de l'objet "névrose", qui anime le social et l'histoire.

La névrose est une espèce d'entonnoir. Une époque entière est convoquée par cette question minuscule de la thérapie spécialisée de ces troubles psychiques non repérés jusque là.
Partir des névroses, c'est partir du raz du sol, quand Freud, jeune praticien, de retour de Paris, médecin spécialisé dans les espèces nouvelles de maladies nerveuses inconcevable 30 ans avant, quand jeune praticien, il reçoit cette clientèle nouvelle, avec une nouvelle demande de soins et une souffrance qui ne relève d'aucune spécialité médicale.
La maladie nerveuse était une entité floue et ses particularités transgressaient les frontières des disciplines de l'époque. La neurologie ne s'en occupait pas même si son étude faisait partie de la formation médicale. La psychiatrie, pas plus, bien qu'elle s'en mêlât. L'hystérie est de la prérogative des deux sans être d'aucun, d'où l'embarras.

Le signe de cet embarras est qu'il suscite nombre de créations institutionnelles, d'établissement nouveaux, d'établissement médicaux "hydro-thérapeutique" orienté sur les préférences de l'époque. Nous en avons gardé dans notre mémoire, les hydropathes. Il se multiplie partout à partir de 1870.

Ces malades ne relèvent pas de la maison de santé, à la différence des aliénés. Il n'y a pas besoin d'internement, il vienne d'eux-mêmes. Ils ne relèvent pas de l'hôpital général qui est en pleine réforme vers ce que de nos jours, nous connaissons, la spécialisation, etc. Dehors !
Donc on a créé, à l'époque, des établissements ad hoc, qui ont disparu ensuite. La névrose était définie par les thérapeutiques jugées adéquates à l'époque. Outre l'hydrothérapie, l'électrothérapie était à l'avant garde du mouvement. Un pionnier en Allemagne, Erbe, en 1882, appliquait cette thérapie aux patients victimes de maladies nerveuses. Freud lui-même a commencé sa carrière en comptant, parmi ses outils, l'électrothérapie. Il s'agissait d'un champ de vives activités à l'intérieur duquel on ne savait à peu près rien, ce qui est encore le cas actuellement. Et avis aux amateurs !

Voilà le fond de peu d'évidence sur lequel se développe la psychanalyse, de non évidence y compris pour le spécialiste. L'ancienne névrose persistera jusqu'en 1914, reconnue mais incomprise.
Le mot névrose vient de très loin mais le sens a changé, il a été révolutionné dans sa délimitation et dans son unité. Nous verrons les sens anciens et leur passage à un autre point de vue.

Nous disposons d'un repère ferme : Le moment, pour nous, de la naissance de l'idée de la névrose au sens moderne, on peut le dater. 1894, l'article de Freud "psychonévrose de défense" en même temps que "L'état mental des hystérique" de Pierre Janet dont le sous titre est "Les accidents mentaux".
Freud publie avec Breuer des "Etudes sur l'hystérie" et les mécanismes psychiques, dont les communications préliminaires seront reprises encore en 1945 par Freud. Janet cite cette communication de Freud et Freud cite Janet dans son premier ouvrage. Ils sont tous deux sur la première ligne de départ et ils ont une parenté intime au niveau de leur démarche. Cela est crucial pour comprendre en quoi la démarche de Freud a été plus féconde.

Le fait envisagé par ces textes consiste en la réunion de troubles de même nature aux manifestations différentes. La phobie et l'hystérie dans leur jonction alors que ces deux catégories étaient jusqu'alors séparée, elles relevaient de spécialités médicales différentes. La psychiatrie tenait la phobie et l'obsession, la neurologie s'occupait de l'hystérie.

Il y a un sous titre que l'on oublie "Essai de théorie". D'entrée modeste. "De nombreuses maladies". Pas toutes. "Et des hallucinations". Il y a une certaine confusion et aussi un sentiment, que ce sous titre dégage, de prolongement possible à ces entrecroisements. L'étude des obsessions a conduit des tentatives d'explication et des observations qui ont contribué à la théorie de l'hystérie et c'est ce dont il faut tenir compte dans l'histoire de la névrose.

Freud, dans ce style qui lui est propre, où il mélange l'audace et la prudence, ajoute "J'ai eu l'occasion de pénétrer les mécanismes de la maladie mentale et les connexions entre l'obsession et la névrose".
Janet est-il dans le même ordre de questionnement ?

La définition de l'hystérie connaît un élargissement et ensuite, on la retrouve partout, au-delà de la clinique, dans le public, dans la culture de cette fin du 19e siècle. L'hystérie est synonyme de désagrégation mentale et de dédoublement de la personnalité.
Sur cette base, Janet conclut en rapprochant l'hystérie de sa création, la psychasthénie, p292 de l'édition d'origine. Il vise une frontière de la folie où les symptômes, variés, ont un point commun. Les doutes, obsessions, impulsions, phobie, etc. sont d'origine psychique.
C'est une piste importante car elle s'ouvre sur la psychologisation de la neurasthénie, terme très répandu à l'époque, et qui loge la maladie dans le système nerveux. Janet, lui, la loge dans le psychisme.

La différence qu'on supposait entre l'hystérie, comme somatique, et la psychasthénie, comme morale, Janet la résout en posant qu'en réalité, les deux ont des origines psychiques. Cependant, même psychique, elle comporte des différences importantes. Le défaut, la désagrégation ne se présentent pas de la même manière dans les deux cas.

Ceci est essentiel pour notre problème, et présente deux versants : La nature des obstacles à vaincre pour parvenir à cette réunion et le modèle qui permet cette jonction.

Janet voulait un remaniement entre ces deux domaines de la psychiatrie qui s'occuperait de l'hystérie, comme physique, et de la psychologie, qui s'occuperait des obsessions et des phobies comme morales, liées à l'esprit, sans substrat organique.
En fait, la dislocation des anciennes névroses a induit un partage des maladies mentales entre psychose et névrose. Elle a transformé le point de vue de la neurologie qui détachera l'hystérie de la notion d'hypocondrie, ainsi que le point de vue de la psychiatrie qui détachera des maladies mentales un groupe de troubles, le syndrome épisodique des dégénérés, qui deviendra ensuite par simplification les impulsions, obsession, phobie, etc.
De morceaux arrachés à la psychiatrie et à la neurologie, de leur jonction, il résulte l'objet névrose. Une compréhension nouvelle engage, du côté de l'hystérie, un questionnement sur la différence entre le psychique et le somatique, et du côté de la phobie, de l'obsession, sur la différence entre névrose et psychose. C'est à dire un questionnement de structures psychologiques, pas seulement centré sur le symptôme mais sur les mécanismes psychiques en général.

Si la solution de Janet consiste à distingué l'hystérie du syndrome dégénéré, Freud quant à lui propose le cadre innovant du clivage dans les contenus de la conscience, la dissociation. C'est cette terminologie nouvelle qui établira notre concept psychanalytique de névrose, franchement du côté de l'hystérie et de son étude à la Salpêtrière, avec Charcot, avec l'hypnose.
Il introduit la question de la personnalité et de son unité, qui devient une question majeure et qui implique que la personnalité peut se diviser. C'est ici, en cela, que Freud et Janet diverge.

Préalablement, ils étaient d'accord sur la délimitation du phénomène mais d'emblée en désaccord sur les explications qu'ils en donnaient. Dés 1814, leur divergence s'exprimait en regard du champ de l'économie psychique, champ non crée par la psychanalyse mais par l'avancée de la notion de neurasthénie qui était une transposition, dans le comportement nerveux, du problème plus global de l'énergie. En effet, en 1948, Orswald invente le terme de thermodynamique. L'idée simple fut que si l'énergie est d'un aspect aussi fondamental, alors le psychisme aussi est une énergie nerveuse.

Janet reprend cette idée, l'appliquant à la neurasthénie, comme perte d'énergie, affaiblissement. Pour l'hystérie, il s'agit de faiblesse ou d'épuisement cérébral qui se traduit par la faiblesse de la synthèse psychique. Les troubles sont dû à un défaut de la synthèse psychique du au manque d'énergie psychique.
Freud, d'emblée, inverse cette logique dés son article sur les psychonévroses de défenses. Ce qui est impliqué dans ces aspects de défenses, ce n'est pas l'insuffisance mais le trop plein d'énergie qui est posé comme origine d'un retournement du sujet contre lui-même. Non un déficit mais une défense contre des forces menaçantes dont il n'a aucune idée mais qu'il cherchera.

Non voyons dans ce premier repérage la fécondité de cette matrice engagée avec cette objet heuristique dont sa circonscription clinique témoigne.
C'est cependant simplificateur de se concentrer uniquement sur la névrose car le mouvement concerne un champ plus large de remaniement à l'origine de cette nouvelle discipline qu'est la psychopathologie et qui fera place à d'autres cliniques telles que les perversions sexuelles. On dispose d’une date repère connue, la publication en 1886 de Kraft Ebing, "Psychopathia sexualis". Il y a aussi la psychologisation de l'alcoolisme, bien avant son abord somatique, et l'apparition de la notion de toxicomanie sur laquelle Freud en savait un bout. Également investie, une série de comportements délinquants et criminels avec l'apparition de ce terme paradoxale de psychonévrose et déjà, la figure du psychopathe, toujours en cours actuellement et qui se cherche encore.

La grille de lecture se transforme selon une ligne qui départage le normal du pathologique avec en toile de fond la domination de Claude Bernard, médecin expérimentaliste, précurseur d'une véritable conquête intellectuelle.
Pour nous, la névrose est un support privilégié, un point d'application de la réinterprétation du normal et du pathologique mais les retombées de cette idées sont larges. Il s'agit d'éclaircir le domaine de la névrose tenant compte que cette recherche concerne un champ beaucoup plus large.
Le point d'aboutissement est un point de commencement de la réponse aux questions théoriques et pratiques que son identification pose.

Pour la question de savoir comment on en est arrivé là, il faudra repartir des névroses au sens ancien du terme, à partir du 18e siècle; Terme ancien et pourtant resté jusqu'à nous alors qu'il aurait pu disparaître comme il a disparu de la psychiatrie officielle actuelle. S'il a survécu, c'est à la notion d'hystérie, notion renouvelée mais qui s'est imposée, que nous devons l'objet névrose. C'est à partir de cet objet que nous continueront le questionnement des cadres anciens médicales et culturelles de son déploiement. Merci.