27 octobre 2011

Christian FIERENS 10102011 EPHEP Méthode en psychanalyse

FIERENS 10102011 EPHEP La logique de l’inconscient

Il s’agit d’aborder la fonction de la logique pour la méthode analytique. Pour ce soir, il s’agira d’introduction et aussi de rappel.
En psychanalyse, nous parlons d’association libre et d’attention flottante. Alors qu’en peut-il être d’une méthode ? Si méthode il y a, elle doit pouvoir définir un cheminement vers un but déterminé.
Est-ce que le but de la psychanalyse est l’investigation, pour découvrir l’inconscient ?
Est-ce que le but est la psychothérapie, pour guérir le symptôme ?
Est-ce que le but est la formation ?
Dans les trois, il y a un problème.
Est-ce que découvrir l’inconscient n’est pas impossible sans mener au savoir universitaire ?
Est-ce que la guérison consiste à faire disparaître un comportement gênant pour la société ou s’agit-il de symptôme au sens d’un effet de structure que la psychanalyse ne veut pas faire disparaître ?
Est-ce qu’une formation de standard psychanalytique ne produirait pas des petits soldats de la pensée ?

Donc, la question de la méthode est problématique. Ces deux principes de l ‘association libre et de l’attention flottante, indiquent qu’il n’y a pas de méthode au sens classique car la méthode en psychanalyse serait plutôt de ne pas en avoir.
D’autant plus que les névrosés s’adapte facilement à une méthode mais ce n’est pas le but de la psychanalyse. Dés lors, serait-ce une technique sans rigueur ? Il y a une rigueur propre à la psychanalyse : Vous ne pouvez y toucher que si, vous-même, parcourez le processus. Il faut le faire et le refaire, faire un grand pas vers cette méthode qui ne consiste pas à écouter passivement, c’est perdre son temps, mais à apprendre ce qu’il faut y faire. Le faire soi-même indépendamment d’un apport extérieur. C’est un point essentiel de la méthode psychanalytique, faire soi-même c’est-à-dire non pas simplement se coucher sur un divan mais faire une psychanalyse, penser par soi-même, se permettre de le faire, se permettre de leur faire, « contre les pères-maître » disait Lacan.

La première étape vers cette rigueur est une étape négative qui écarte du faux processus : Ne pas généraliser.
Même si vous rencontrez un obsessionnel qui vérifie la lumière, le gaz, les clefs, à répétition, vous ne pouvez pas transposer vos considérations sur un autre, vous avez à entendre quelque chose de non généralisable et ce que vous y avez entendu est non généralisable. Vous avez un regard sur votre propre histoire et votre propre analyse mais il n’est d’aucune utilité pour le transposer à quelqu’un d’autre. Ici même, à l’EPHEP, vous avez vos propres idées et vous rencontrerez certaines autres idées mais vous ne pourrez pas les utiliser comme un corpus théorique dont il n’y aurait qu’à appliquer les indications.

La première étape vers la rigueur est un pas logique à partir d’une proposition particulière qui nie toute conclusion universelle. Une théorie universelle est une fiction qui, de toute façon, se révèle inapplicable.
« Ne pas comprendre » pour Lacan n’est pas quelque chose de négatif mais une nécessité qui désigne le fait qu’il soit nécessaire de ne pas « comprendre » pour faire soi-même le processus logique dont il est question. Alors le sens de la méthode change complètement. Elle implique un schéma applicable pragmatiquement à une situation donnée.

En psychanalyse, on part d’un point qu’on ne comprend pas. Ce que devrait faire l’analysant, toutes les solutions de bon sens, du point de vue de l’analyste, c’est souvent des mauvaises solutions. Comment s’y retrouver alors que nous sommes toujours déjà pris dans cette logique qu’il ne faudrait pas ?
Une caractéristique de cette logique est que nous croyons à l’univers et au fonctionnement de l’universel soit à un concept unique. Univers cosmologique ou univers du patient, auquel nous croyons, avec ses structures dans l’ensemble unifié.
Autre caractéristique, nous croyons au tiers exclu. Soit A soit B est vrai. Il est psychotique ou pas. La catégorie du borderline n’y change rien, c’est soit A, B ou C. L’univers C du patient a une part psychotique et une part non psychotique se voit-on asséner avec cette apparence de rigueur fondée sur le « c’est oui ou c’est non ».
On peut répéter indéfiniment les constats considérés comme valable. Si c’était OK la semaine dernière, alors demain, ce sera OK. Le vrai reste vrai. Demain, il sera encore psychotique et dans 100 jours, ce sera toujours vrai.
Un exemple typique chez Freud est sa persistance dans son approche de l’homme au rat : La vérité une fois acquise est servie au patient, il s’agit de la haine du père transférée sur Freud.

A partir de là, un psychotique est un psychotique, il y suffit un traitement adéquat. C’est une position logique universelle mais ennuyeuse : Elle ne démontre que ce que l’on sait déjà.
La logique de Boole est une logique courante, la plus naturelle du monde, et pourtant, il faut la débusquer car elle n’est pas forcément d’usage dans la méthode analytique de la psychanalyse.

Voici le schéma logique du tiers exclu. Ici, c’est x ou bien non x, [x v -x]. Et si je retiens l’intersection x ( 1 - x ) = 0, rien du tout, inexistence. Il y a lieu d’une opération supplémentaire :
x ( 1 - x ) = x - x2 = 0 donc x = x2 , c’est le principe de répétition, répétition d’une chose qui reste elle-même, qui se répète psychiquement même si elle n’a été prononcée qu’une seule fois.

Faudrait peut-être s’en passer de cet univers. Faire des propositions non universelles, qui se fondent d’un pas tout, ici à ne pas confondre avec le pas-tout de Lacan. Mais faire du particulier, du singulier, du cas par cas, c’est rassembler quelques personnes mais c’est toujours le même univers, un univers rétréci mais un univers même. Le DSM liste des particulières mais au sein d’un petit universelle. De même, le singulier peut n’être qu’un ensemble rétréci.
En psychanalyse, on participe d’une toute autre expérience. Précisément dans la répétition, un élément est répété mais le deuxième n’est pas la même chose que le premier. C’est même de la nature du signifiant de n’être pas égal à lui-même. Un signifiant, une fois répété, ne sera plus le même.
Nous le savons, nous le cherchons, dans les petits changements, les petits trébuchements, nous les retrouvons systématiquement, dans les petites choses, même chez des sujets psychotique ou qui ne parlent pas.
Car en psychanalyse x ‡ x2 et donc x ( 1 - x ) ‡ 0 , les ensembles sont hétérogènes.
Freud, dans un article sur la dénégation, décrit le moment où un jeune patient, à propos d’un élément d’un rêve, lui assène : Ce n’est pas ma mère. Première façon de lire cet article : Il s’agit d’une théorie. Si il dit non alors il est dans le déni donc c’est sa mère.
Si l’analysant est un peu futé, il inversera lui-même bien que, ce jeu étant purement intellectuel, le résultat sera nul. En fait, c’est sa mère, et un autre jour, ce n’est pas sa mère et demain, autre chose et que, peut-être, quelque chose va changer dans sa vie.
Cette constatation de la psychanalyse permet de dire que sa logique ni la même ni vraiment différente comme on le voit dans le syllogisme où de bonnes articulations donnent aussi des erreurs.
La logique prend un sens nouveau de production, de fabrique de vérité, à partir de quelque chose de concret.
Nous avons le x2 , la répétition, dire bonjour deux fois à la même personne.
Nous avons la contradiction, c’est ma mère, ce n’est pas ma mère.
Avec ça, on peut mettre de l’ordre, de manière que l’on peut qualifier de paranoïaque, et reverser dans le savoir préétabli, et pourquoi ne pas en émettre des directives. La psychanalyse n’immunise pas contre ce danger.
Il faut distinguer en quoi la psychanalyse est la fabrique de quelque chose, très différent de en quoi la logique est respectée, car la logique concerne également la fabrication de son objet.
Cet objet est un signifiant, soit différent de lui-même dés qu’il est répété, un signifiant n’est pas ce qu’il est. Des choses changent à chaque répétition.

La linguistique décrit un système de différence synchronique. C’est un système de position du signifiant qui renvoie au système de position dans le signifié. Chien et chat sont deux signifiants différents qui renvoient à deux signifiés différents. En français, le mouton est dans le pré et le même mouton est dans notre assiette. En anglais, il faudra deux mots différents pour nommer les moutons. La découpe n’est pas la même mais elle est dans la langue. En psychanalyse, les signifiants n’y sont pas, au sens psychanalytique fort. Malgré la métaphore « s’entendre comme chien et chat ». Pour avoir un signifiant, il faut qu’une différence radicale s’instaure.
Si en connaissance de cause, un enfant dit que le chien fait miaou, il sait que c’est ouah mais il utilise les signifiants dans un autre sens, il fait une trouvaille. C’est cela l’opération signifiante.

Freud l’affirme. Le rêve ne fait que ça, transformer et non juger, penser, etc., soit prendre x pour autre chose. Voilà de quoi éclairer la méthode. Ce mouvement du signifiant qui change de sens implique ce mouvement du sujet, quelque chose se passe.
Ici, à l’EPHEP, il n’est pas question de répéter mais de dire avec vos mots, vos signifiants, votre chair.

Essayons de donner du schéma L des choses claires dans une logique courante : Il y a deux sens divergents de la méthode, deux axes non séparables qui se croisent au même endroit.



L’axe de la logique courante concerne les (objets), a, dont on parle et le (moi), a’, dans le discours. On peut le dire axe imaginaire bien que dans le symbolique il soit passible de s’écrire dans une belle langue.
L’axe de la psychanalyse suppose un autre sens, un (Autre), A, entre S1 et S2 dont il résulte le (sujet), S. L’ordre de l’objet reste inatteignable. Ca rêve, ça parle, ça rit, sont des expressions qui souligne la logique du signifiant proprement psychanalytique.

Tout ce passe sur ce signifiant ponctuel, pas besoin de le repérer, pas besoin de l’univers du patient, il suffit de ce petit point de dérapage S1 > S2 qui se joue dans un rêve, un rire, un ratage. Un geste, une lettre qui tombe et le signifiant prend un autre sens.

A un autre niveau, pourquoi ne pas retrouver dans la phrase, dans la grammaire, quelque chose de l’inconscient ? Lewiss Carroll décrit Alice de l’autre côté du miroir où elle trouve un livre, un looking glass book, un livre illisible car écrit en miroir. Elle parvient à le lire dans le miroir, c’est un poème qui semble très joli, en anglais correct, mais elle n’y comprend rien et ne veut pas se l’avouer.
Ne pas comprendre porte à préférer inventer. C’est ce qui est important, qu’on puisse se dire « j’ai l’impression que j’ai toutes sortes d’idées mais lesquelles ? ».

Au niveau d’une phrase, d’un poème, d’un discours, il y a avantage à mettre en avant le non comprendre, qu’il n’y a pas d’absolu. On comprend qu’il y a une grammaire, par exemple celle dont on a l’idée dans le schéma L, une grammaire déjà là et d’autant plus qu’on ne comprend pas. Le schéma L nous donne des ailes dans la logique de l’inconscient. Où voler ? Tout est possible. Peut-on laisser s’échapper, comme ça, une logique qui ne tient pas fixe ?
Alors, on essaie de fixer les logiques, de logifier en terme plus classique. Par exemple :
a, le premier (objet), la mère.
a’, le (moi), le moi idéal.
A, l’(Autre), le père.
S, le (sujet), le phallus.

En fixant le schéma L par des conceptions plus ou moins imaginaire, on en corrige l’intelligence, du père au Nom du père, par exemple. Mais la fixation est faite, c’est-à-dire que nous transportons le schéma L de Lacan en un schéma R qui nous donne la réalité, le plancher des vaches. C’est plus facile mais on est proche de la logique classique où le Nom du père est le Nom du père.
Nous avons les ailes du schéma L mais dés qu’on le fixe, le papillon est épinglé. Chaque fois que l’on fixe, il faut se rendre compte de ce que l’on fait. Fixer, c’est s’éloigner de la logique propre à la psychanalyse et cela même si vous la conserver sous le coude, dans un coin. La logique de la psychanalyse ne peut être construite sur un diagnostic même si la question finit par se poser. La fixation des idées est au travail car le principe est de non fixation, S1 ‡ S2, de non tiers exclus.

Dans la psychose, dire que le Nom du père n’est pas là revient à fixer le grand Autre par forclusion et donc à s’y situer dans la relation imaginaire. Mais la réponse de la psychose dans ce cas est de rétablir le schéma L en comblant le trou au niveau du père et du phallus.



Ceci est valable pour tout sujet, de névrose ou de psychose, le même processus du signifiant peut être mobilisé sous votre autorité, inventé à chaque fois avec la personne, qui vous fait confiance, bien sur.
Le grand Autre est à trouver dans le travail de l’analysant lui-même et l’observation des tiers qui s’y pose a d’autres portées que le diagnostic.
Merci.

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