30 octobre 2011

Charles MELMAN 13 10 2011 Le réel habité

Charles MELMAN 13 10 2011 EPHEP Séminaire

Le besoin et la satisfaction du besoin dés les premiers rapports de l’enfant est autrement complexe pour l’animal humain que pour d’autres.
Dans de nombreux documents écrits et jusqu’aux dessins dans les grottes et les gravures sur les os, précocement, l’homme semble s’attacher au déchiffrement de son environnement. Ainsi de l’astronomie, dans la pensée grecque, l’étonnement que provoquaient la régularité et le retour périodique aux dispositions initiales.
Lacan était fasciné par ce retour du même, ce voyage lui-même identique quoiqu’avec de légères variations, comme les saisons. On y voit s’écrire la méthode première de la science. Bizarre ? Cependant, notons qu’un Ptolémée, même avec une théorie fautive, malgré tout rendait compte des phénomènes.
Ceci est important car elle éclaire la question qui engendre toujours un malaise chez les scientifiques : Vous vous réclamez de la science mais qu’en savez-vous, en regard du fait que la science apparente évolue et se révèle partielle ou fausse ? Vous, si rigoureux, qu’entendez-vous par science ?

Pour nous, avec une audace que l’on pardonnera peut-être par son heuristique, ce qui se range comme science est une démarche organisée par consécution ordonnée d’éléments inscriptibles excluant toute participation subjective à l’établissement de cette écriture en chaîne qui s’impose au sujet, sous la forme d’un « c’est comme ça ».
Beaucoup de démarches miment la science et s’en réclament. Les sciences « humaines » sont en ce sens à récuser de s’intéresser non à la biologie mais à la psychologie avec une construction qui semble scientifique, qui ne peut être contredite, mais qui varie selon les éléments subjectifs du protocole.

En psychanalyse également, aucune thérapeutique ne peut vérifier son bien fondé par ses résultats éventuellement heureux. Est-ce un paradoxe ? Une rumination désagréable entoure ce débat lourd et pesant : Est-ce que la psychanalyse est une science ?
Freud a tenté d’y répondre avec un appareil psychique ordonné qui s’impose quelque soit le sujet, donc susceptible de mimer la science, quoique Freud se plaignait du langage de la psychologie, selon lui, mal définit et baveux.
Les successeurs de Freud ne pourront qu’aggraver ce déficit même quand Freud lui-même affirmera qu’il n’y a pas de progrès à attendre de ces recherches. Ses successeurs se sont engagés dans le dogmatisme et Lacan dénonçait le caractère religieux de l’école de Freud qui se résume aux enseignements du maître et au rejet de ceux, subversif, qui s’écartaient du dogme.

Ce même processus se poursuit avec Lacan et ses soi-disant dogmes qu’il s’agit de propager pour le Bien de l’humanité. Ce qui est démenti par Lacan lui-même. Pourquoi ? Le trait caractéristique chez Lacan est cette idée que la science forclos le sujet. La démarche lacanienne, décisive, inclut de bout en bout cette idée. Pour la première fois dans l’histoire des sciences, il y a adjonction systématique, dans l’ordinaire, de l’impossibilité de conclure. Théorème de Gödel, etc. Il y a un trou dans tout système constitué. Il n’y a pas de tout de la pensée, pas de dogme valable, et donc pas de cercle fermé. D’évidence logique, il n’y en a que de troué.

Avec ce progrès de Lacan, le réel est devenu justement ce à quoi il importe de tenir éminemment compte, car ce réel est, non ce qui résiste à la formalisation mais, ce réel, il est pollué, habité, par ce sujet que la science forclos.
Ce que révèle la psychanalyse est que chaque sujet a des dispositions singulières liées à des formalisations singulières.
Œdipe, par exemple, est l’histoire générale de l’impossible. Le père prive de la maman et crée de l’impossible sous la rubrique de l’interdit. Il relève de la position subjective qu’elle relève d’une singularité même si toutes les singularités viennent s’endormir car elles sont les avatars d’une instance uniques, le Nom du père, départ d’une déclinaison clinique.

Hystérie : Défi, provocation mais aussi bien le plus grand amour.
Névrose obsessionnelle : Substitution du Nom du père par la figure de la Dame. Voir l’Homme aux rats et la mise en place d’une dame inapprochable qui le pousse à ne se satisfaire qu’auprès des petites couturières. La Dame est le substitut du Nom du père. Elle est d’une telle bonté qu’elle ne peut rien refusé à ses amants. Pas de coupure. Mais ils ne peuvent que garder la distance s’ils ne veulent que le système s’effondre.
Perversion : Ce « au moins un », justement, cette instance phallique, est objet de jouissance, avec comme conséquence ce rapport particulier à ce qui fait loi.
Psychose : Forclusion du Nom du père. Absence de référence au nom de cette instance dans le réel. Il faudra le courage et la dignité d’un Schreiber, son humanité dans sa folie, pour qu’on sache. Il nous donne les éléments authentiques, à partir d’un transfert sur un neurologue, dés l’accès à une place d’autorité supérieure, qui l’ont privé d’assise. La rencontre avec le professeur Flezig va déclencher la psychose. Elle sera guérie au prix de ceci qu’il s’identifie lui-même au « au moins un »  dans le réel mais sous les traits de la Dame, sans cesse soutenue grâce au miroir. S’habillé en femme, seule voix qui apporte la sédation de cette intolérable psychose.

A la question, la psychanalyse est-elle une science, notons qu’elle porte un éclairage essentiel du fait de sa recherche propre, qui inclus ce que la science forclos, le sujet présent dans le réel.

L’environnement de l’animal humain n’est jamais innocent, il est pollué et habité par les déchets dont le retranchement, hors réalité, cause le désir et entretient la jouissance du sujet. Pour Lacan, la civilisation c’est l’égout. Hors réalité car supposé achoppé au champ perceptif malgré, c’est caractéristique de la modernité, les tentatives de l’art contemporain dans ces présentations trash.

Lacan, sans se l’approprier, explique la naissance de la psychanalyse à Vienne au début du 20e par un effet d’angoisse, dans cette culture, cette monarchie à double tête, l’aigle austro-hongrois, engendrée par la montée de cet « objet a », cause du désir, dés lors que la faiblesse du pouvoir politique, sa duplicité avérée, et l’incertitude des mœurs, ne puissent plus décider le tranchement de cet objet a. Comme s’il n’avait pas à être là. Le pied, dans cette Vienne 1900, avec son remarquable foisonnement d’idées, c’est justement la levée des limites qu’il autorise, cette intelligence.
Notons que les surdoués ont cette fonction de faire péter les limites du bon sens. A l’opposé d’un Moore pour qui un chat est un chat et qu’en dire de plus. Vienne, à l’époque, ressemble à notre situation actuelle.
Nous ne remarquons pas ce fait extraordinaire qu’est l’écologie en tant que politique. C’est du jamais vu cette invitation à traiter les déchets. En Italie, l’enlèvement des ordures est un enjeu politique. En réponse, le sentiment de l’apocalypse, actuel, attend le tsunami qui nettoiera toute l’affaire.
C’est formidable comme les jeunes chez le psychanalyste se demandent comment se débarrasser de cet objet. Comment s’en soulager ? Il arrive qu’ils y parviennent par un effet d’adresse.

Donc notre environnement n’est pas l’environnement des animaux. Le notre est bruyant et polluant. (Le téléphone du Docteur Melman sonne dans sa poche. Rire). Ces téléphones, ça bip de partout.
Mais surtout aussi, il est habité par un être dont on suppose l’identité à soi-même. Il ne s’agit pas d’un rapport aux éléments mais d’un retranchement : Etre habité par le réel qui commande.

Lacan choisit « il pleut ». Qui ça, « il »? Alors il nous pleut dessus celui-là ? Et avec le vent, il est susceptible de caresse, il nous chauffe. Ici, pas de semblant mais des intuitions telles que les relations de familiarité. Elles peuvent se produire hors de la famille et garder cette impression de familiarité qui donne prise dans le sacrifice en vue de la satisfaction dont l’objectif est d’empêcher qu’on s’en détourne. Avec cette crainte que la personne rencontrée s’éloigne et devienne un étranger, celui qui est là, dans le réel.

La psychose est une modalité où le réel envahit le champ de la réalité avec cette continuité qu’on retrouve dans le nouage borroméen. La continuité du réel et de la réalité Est-ce qui définit la névrose.

L’étranger dans le réel, on peut le visiter en rencontrant un étranger. Ou un explorateur. Tous manifestent un réel non familier. D’où le plaisir d’un lectorat énorme, on a diffusé des millions de volume, dés Homère, le succès de ceux qui n’ont pas peur de l’instance étrangère du fait de plaisir nouveau, inattendu, auxquelles nous sommes si sensibles quand on sort des frontières du pays natal. C’est en sortant des frontières, paradoxalement, que le sentiment d’identité est totalement perçu, sans ombres ni division.

Un sentiment identitaire accru, donc, et aussi l’abolition du sexe des éléments de l’étranger. La dimension autre est abolie. Il n’y a plus d’autre mais seulement la figure de l’étranger. D’où la nostalgie pour le colonial, pour une société divisée entre maître et esclaves, où les hommes et les femmes sont départagés, où le sexe est sollicité par l’esclave et moins les nationaux.
Notre rapport à l’environnement, à la nature, est comme un grand livre à déchiffrer. Ce déchiffrement concerne les phénomènes présents et également le texte, attribué d’être sacré. Dans le réel, il est inscrit ce texte qui a un effet identique aux écrits scientifiques : C’est comme ça. Même s’il y a une syntaxe, ces écritures ne tolèrent aucune partition : C’est comme ça, on ne te demande pas ton avis, c’est écrit.

Le texte sacré forclos le sujet, avec, comme conséquence sur la vie quotidienne, les effets de la loi, que tu ne peux que suivre. Sauf que, l’usage de la syntaxe n’est pas de consécution logique, on y retrouve le signifiant qui semblait dans l’éclipse de la lettre.
Dés qu’on tient le sens, on n’a de cesse que de l’éclaircir, de l’établir pour toujours. Le sens appelle l’interprétation du texte. Ce sujet, aboli par le texte, renvoie dans le réel le sujet qui devra contester l’aspect définitif du texte. Les conséquences non quelconque de la religion, quand le texte est établit et sans commentaires, ont des effets repérables dans la subjectivité.

Où en sommes-nous? Nous en sommes à nous dire que cela mérite réflexion. Lacan prétendait que Descartes a été la condition du sujet de l’inconscient dans le réel.
C’est que l’écriture est scientifique si elle doute systématiquement de toute écriture. La vérité, elle, est dans ce lieu, forclos par la science, c’est-à-dire dans le sujet. C’est lui qui doute mais ne peut douter que de lui-même.
Cela opère un curieux renversement d l’histoire où les accidents, les manifestations du réel, dés lors ne sont plus parasites, creux, approximatif, mais occasion de pouvoir supporter la vérité du locuteur dans le système de formalisation singulier qui est le sien.

Une cure psychanalytique est une mise en doute des certitudes car, dans le réel, il y a cette instance énigmatique d’où sort la chaine signifiante jusqu’à émergence de la vérité avant dernière dont la mise en place dans le fantasme vient éclairer ce qu’il en est de l’objet pour le sujet.

Vérité avant dernière car, au-delà de Freud et du mythe œdipien universel, dés lors qu’Œdipe et le Nom du père n’est qu’un accident de l’histoire né de l’émergence de la religion, existe-t-il une structure universelle dont les formalisations singulières ne seraient que les avatars ? C’est ici le lieu d’où surgit la référence aux droits naturels, ce n’est pas vraiment moderne.

Avec ou sans droits naturels, partout pour l’animal humain se pose le même questionnement sur le bien et le mal, le juste et l’injuste. Avec ou sans Œdipe, on s’en fout, il y a du bien et du mal c’est-à-dire de l’impossible, il y a « Tu dois » et « Tu ne dois pas », il y a une même mise en place.

La question du droit naturel répond au débat sur le genre, le gender, photo à l’appui, avec les androgynes à l’esthétique raffinée. Rappelons que le langage tient sans l’autorité du Nom du père. Le droit naturel, en excluant le Nom du père, permet qu’on puisse décider de son statut sexuel au gré de son caprice, voire au gré du moment.
Contredire cet opinion est difficile, il faut une pensée de réac pour s’y opposé. Pourquoi d’ailleurs s’y opposer alors que nous sommes tous, plus ou moins mais de plus en plus, soulager de la référence paternelle. Les familles peuvent s’organiser autour de deux partenaires qui s’équivalent. Papa joue à la maman et vice versa et le gosse regarde la télé.

La distinction des sexes, référées à la naissance et symbolisant le Nom du père, est destinée à la procréation, à la satisfaction de celui dont on vient. Que le troupeau croît, tel est son plaisir. Si nous sommes à l’écart de cette référence au Nom du père, dans le droit naturel, qu’est-ce qui contredit la volonté de faire carnaval ? Là où les hommes s’habillent en femme et les femmes en homme, pour leur plus grand plaisir. Pourquoi pas le carnaval permanent ?
Dans la mesure où le sexe est destiné à la jouissance du procréateur originel, s’il vient à s’effacer, pourquoi le sujet ne s’approprierait-t-il pas cette jouissance, en jouissant lui-même c’est-à-dire en la consommant ? Il n’y a pas d’opposition.
Pas d’opposition sauf à remarquer que si tout ça est si stimulant, c’est parce que ça vient niquer le père. Cependant qu’une fois la chose faite, la machine ne peut que s’arrêter. Il n’y a plus d’intérêt puisque l’intérêt provient justement de l’interdit. Quand il n’y a plus de gardien à défier, ça devient plutôt fatiguant d’assumer l’autre sexe et ça complique la vie quotidienne.
Cela illustre que plusieurs formalisation du réel sont possibles et qu’aucune ne peut être tenue comme la vraie, la bonne, dés lors qu’il y a mise en place d’un impossible. Est-ce que le gender met en place un impossible ? Sans impossible, c’est la psychose.
Une dernière remarque à propos de l’enseignement et du plagiat. Il y a dans l’enseignement un problème horrible, gênant et farfelu, dans la possibilité offerte de s’approprier par assimilation de savoir, une identité pour laquelle on n’a pas payé. C’est le fruit d’un travail d’incorporation, miam, miam.
Au terme de mes études, je fais quoi ? J’écris un article à mon nom, d’auteur. Le souci c’est qu’il s’agit de petits morceaux pris à l’un et à l’autre, assimilés, et qui ressortent sous « mon » nom. Où commence et où finit le plagiat ?
Piqué, ça arrive, c’est courant, mais il suffit de tournebouler la phrase verbe-sujet-complément en sujet-complément-verbe et nous participons déjà aux mondes des idées. Ce problème c’est toujours posé pour Lacan quoique son enseignement, crypté, donne quelques difficultés ou impose de l’audace aux plagiaires. Rien n’empêchât de récupérer ses avancées mais les plagiaires, ils ramaient.
Aucun de nous ne peut l’éviter. L’appropriation consiste en l’adoption d’une identité usurpée, remâchée. Dans l’enseignement, il n’y a rien à assumer, c’est tout bénéfice. Alors qu’une identité, de l’assumer, ça coute.

C’est pas une mise en garde mais ça éclaire le procédé qui nous concerne et nous intéresse. Cela rejoint de manière latérale et non évidente nos incursions de tout à l’heure. Lacan pour la revue de l’EFP avait posé « Pas de nom d’auteur » à l’exception du sien qu’il a payé dans le social, l’amical, le familiale, le filiale, c’est pas du miam, miam.
A l’époque, mon salon hébergeait l’école et les réunions de ceux qui ne signeront pas dans cette revue « Scilicet », qui veut dire « Tu peux savoir », il est permit de savoir, on y reviendra. Lors d’une réunion des élites de cette école, Lacan demande : Qui veut s’en occuper de cette revue ? Personne.
Sans le bénéfice du nom ? Et le sien y sera en plus ?
Alors, vous connaissez mon gout pour le sacrifice, je suis devenu le directeur de cette revue. C’est curieux, elle eut un tirage exceptionnel et deux ou trois éditions. Il fut ensuite prévu de mentionner la liste des noms. Au 18e siècle, on publiait sans nom d’auteur, non par peur de la police, mais tout le monde reconnaissait, par exemple, Diderot. En dehors de ce qui fait événement, qui est le patron, qui est le propriétaire ?

Le réel est habité, peuplé, on en déchiffre le texte et la question de l’auteur mérite ici d’être posée. Merci.

27 octobre 2011

Christian FIERENS 10102011 EPHEP Méthode en psychanalyse

FIERENS 10102011 EPHEP La logique de l’inconscient

Il s’agit d’aborder la fonction de la logique pour la méthode analytique. Pour ce soir, il s’agira d’introduction et aussi de rappel.
En psychanalyse, nous parlons d’association libre et d’attention flottante. Alors qu’en peut-il être d’une méthode ? Si méthode il y a, elle doit pouvoir définir un cheminement vers un but déterminé.
Est-ce que le but de la psychanalyse est l’investigation, pour découvrir l’inconscient ?
Est-ce que le but est la psychothérapie, pour guérir le symptôme ?
Est-ce que le but est la formation ?
Dans les trois, il y a un problème.
Est-ce que découvrir l’inconscient n’est pas impossible sans mener au savoir universitaire ?
Est-ce que la guérison consiste à faire disparaître un comportement gênant pour la société ou s’agit-il de symptôme au sens d’un effet de structure que la psychanalyse ne veut pas faire disparaître ?
Est-ce qu’une formation de standard psychanalytique ne produirait pas des petits soldats de la pensée ?

Donc, la question de la méthode est problématique. Ces deux principes de l ‘association libre et de l’attention flottante, indiquent qu’il n’y a pas de méthode au sens classique car la méthode en psychanalyse serait plutôt de ne pas en avoir.
D’autant plus que les névrosés s’adapte facilement à une méthode mais ce n’est pas le but de la psychanalyse. Dés lors, serait-ce une technique sans rigueur ? Il y a une rigueur propre à la psychanalyse : Vous ne pouvez y toucher que si, vous-même, parcourez le processus. Il faut le faire et le refaire, faire un grand pas vers cette méthode qui ne consiste pas à écouter passivement, c’est perdre son temps, mais à apprendre ce qu’il faut y faire. Le faire soi-même indépendamment d’un apport extérieur. C’est un point essentiel de la méthode psychanalytique, faire soi-même c’est-à-dire non pas simplement se coucher sur un divan mais faire une psychanalyse, penser par soi-même, se permettre de le faire, se permettre de leur faire, « contre les pères-maître » disait Lacan.

La première étape vers cette rigueur est une étape négative qui écarte du faux processus : Ne pas généraliser.
Même si vous rencontrez un obsessionnel qui vérifie la lumière, le gaz, les clefs, à répétition, vous ne pouvez pas transposer vos considérations sur un autre, vous avez à entendre quelque chose de non généralisable et ce que vous y avez entendu est non généralisable. Vous avez un regard sur votre propre histoire et votre propre analyse mais il n’est d’aucune utilité pour le transposer à quelqu’un d’autre. Ici même, à l’EPHEP, vous avez vos propres idées et vous rencontrerez certaines autres idées mais vous ne pourrez pas les utiliser comme un corpus théorique dont il n’y aurait qu’à appliquer les indications.

La première étape vers la rigueur est un pas logique à partir d’une proposition particulière qui nie toute conclusion universelle. Une théorie universelle est une fiction qui, de toute façon, se révèle inapplicable.
« Ne pas comprendre » pour Lacan n’est pas quelque chose de négatif mais une nécessité qui désigne le fait qu’il soit nécessaire de ne pas « comprendre » pour faire soi-même le processus logique dont il est question. Alors le sens de la méthode change complètement. Elle implique un schéma applicable pragmatiquement à une situation donnée.

En psychanalyse, on part d’un point qu’on ne comprend pas. Ce que devrait faire l’analysant, toutes les solutions de bon sens, du point de vue de l’analyste, c’est souvent des mauvaises solutions. Comment s’y retrouver alors que nous sommes toujours déjà pris dans cette logique qu’il ne faudrait pas ?
Une caractéristique de cette logique est que nous croyons à l’univers et au fonctionnement de l’universel soit à un concept unique. Univers cosmologique ou univers du patient, auquel nous croyons, avec ses structures dans l’ensemble unifié.
Autre caractéristique, nous croyons au tiers exclu. Soit A soit B est vrai. Il est psychotique ou pas. La catégorie du borderline n’y change rien, c’est soit A, B ou C. L’univers C du patient a une part psychotique et une part non psychotique se voit-on asséner avec cette apparence de rigueur fondée sur le « c’est oui ou c’est non ».
On peut répéter indéfiniment les constats considérés comme valable. Si c’était OK la semaine dernière, alors demain, ce sera OK. Le vrai reste vrai. Demain, il sera encore psychotique et dans 100 jours, ce sera toujours vrai.
Un exemple typique chez Freud est sa persistance dans son approche de l’homme au rat : La vérité une fois acquise est servie au patient, il s’agit de la haine du père transférée sur Freud.

A partir de là, un psychotique est un psychotique, il y suffit un traitement adéquat. C’est une position logique universelle mais ennuyeuse : Elle ne démontre que ce que l’on sait déjà.
La logique de Boole est une logique courante, la plus naturelle du monde, et pourtant, il faut la débusquer car elle n’est pas forcément d’usage dans la méthode analytique de la psychanalyse.

Voici le schéma logique du tiers exclu. Ici, c’est x ou bien non x, [x v -x]. Et si je retiens l’intersection x ( 1 - x ) = 0, rien du tout, inexistence. Il y a lieu d’une opération supplémentaire :
x ( 1 - x ) = x - x2 = 0 donc x = x2 , c’est le principe de répétition, répétition d’une chose qui reste elle-même, qui se répète psychiquement même si elle n’a été prononcée qu’une seule fois.

Faudrait peut-être s’en passer de cet univers. Faire des propositions non universelles, qui se fondent d’un pas tout, ici à ne pas confondre avec le pas-tout de Lacan. Mais faire du particulier, du singulier, du cas par cas, c’est rassembler quelques personnes mais c’est toujours le même univers, un univers rétréci mais un univers même. Le DSM liste des particulières mais au sein d’un petit universelle. De même, le singulier peut n’être qu’un ensemble rétréci.
En psychanalyse, on participe d’une toute autre expérience. Précisément dans la répétition, un élément est répété mais le deuxième n’est pas la même chose que le premier. C’est même de la nature du signifiant de n’être pas égal à lui-même. Un signifiant, une fois répété, ne sera plus le même.
Nous le savons, nous le cherchons, dans les petits changements, les petits trébuchements, nous les retrouvons systématiquement, dans les petites choses, même chez des sujets psychotique ou qui ne parlent pas.
Car en psychanalyse x ‡ x2 et donc x ( 1 - x ) ‡ 0 , les ensembles sont hétérogènes.
Freud, dans un article sur la dénégation, décrit le moment où un jeune patient, à propos d’un élément d’un rêve, lui assène : Ce n’est pas ma mère. Première façon de lire cet article : Il s’agit d’une théorie. Si il dit non alors il est dans le déni donc c’est sa mère.
Si l’analysant est un peu futé, il inversera lui-même bien que, ce jeu étant purement intellectuel, le résultat sera nul. En fait, c’est sa mère, et un autre jour, ce n’est pas sa mère et demain, autre chose et que, peut-être, quelque chose va changer dans sa vie.
Cette constatation de la psychanalyse permet de dire que sa logique ni la même ni vraiment différente comme on le voit dans le syllogisme où de bonnes articulations donnent aussi des erreurs.
La logique prend un sens nouveau de production, de fabrique de vérité, à partir de quelque chose de concret.
Nous avons le x2 , la répétition, dire bonjour deux fois à la même personne.
Nous avons la contradiction, c’est ma mère, ce n’est pas ma mère.
Avec ça, on peut mettre de l’ordre, de manière que l’on peut qualifier de paranoïaque, et reverser dans le savoir préétabli, et pourquoi ne pas en émettre des directives. La psychanalyse n’immunise pas contre ce danger.
Il faut distinguer en quoi la psychanalyse est la fabrique de quelque chose, très différent de en quoi la logique est respectée, car la logique concerne également la fabrication de son objet.
Cet objet est un signifiant, soit différent de lui-même dés qu’il est répété, un signifiant n’est pas ce qu’il est. Des choses changent à chaque répétition.

La linguistique décrit un système de différence synchronique. C’est un système de position du signifiant qui renvoie au système de position dans le signifié. Chien et chat sont deux signifiants différents qui renvoient à deux signifiés différents. En français, le mouton est dans le pré et le même mouton est dans notre assiette. En anglais, il faudra deux mots différents pour nommer les moutons. La découpe n’est pas la même mais elle est dans la langue. En psychanalyse, les signifiants n’y sont pas, au sens psychanalytique fort. Malgré la métaphore « s’entendre comme chien et chat ». Pour avoir un signifiant, il faut qu’une différence radicale s’instaure.
Si en connaissance de cause, un enfant dit que le chien fait miaou, il sait que c’est ouah mais il utilise les signifiants dans un autre sens, il fait une trouvaille. C’est cela l’opération signifiante.

Freud l’affirme. Le rêve ne fait que ça, transformer et non juger, penser, etc., soit prendre x pour autre chose. Voilà de quoi éclairer la méthode. Ce mouvement du signifiant qui change de sens implique ce mouvement du sujet, quelque chose se passe.
Ici, à l’EPHEP, il n’est pas question de répéter mais de dire avec vos mots, vos signifiants, votre chair.

Essayons de donner du schéma L des choses claires dans une logique courante : Il y a deux sens divergents de la méthode, deux axes non séparables qui se croisent au même endroit.



L’axe de la logique courante concerne les (objets), a, dont on parle et le (moi), a’, dans le discours. On peut le dire axe imaginaire bien que dans le symbolique il soit passible de s’écrire dans une belle langue.
L’axe de la psychanalyse suppose un autre sens, un (Autre), A, entre S1 et S2 dont il résulte le (sujet), S. L’ordre de l’objet reste inatteignable. Ca rêve, ça parle, ça rit, sont des expressions qui souligne la logique du signifiant proprement psychanalytique.

Tout ce passe sur ce signifiant ponctuel, pas besoin de le repérer, pas besoin de l’univers du patient, il suffit de ce petit point de dérapage S1 > S2 qui se joue dans un rêve, un rire, un ratage. Un geste, une lettre qui tombe et le signifiant prend un autre sens.

A un autre niveau, pourquoi ne pas retrouver dans la phrase, dans la grammaire, quelque chose de l’inconscient ? Lewiss Carroll décrit Alice de l’autre côté du miroir où elle trouve un livre, un looking glass book, un livre illisible car écrit en miroir. Elle parvient à le lire dans le miroir, c’est un poème qui semble très joli, en anglais correct, mais elle n’y comprend rien et ne veut pas se l’avouer.
Ne pas comprendre porte à préférer inventer. C’est ce qui est important, qu’on puisse se dire « j’ai l’impression que j’ai toutes sortes d’idées mais lesquelles ? ».

Au niveau d’une phrase, d’un poème, d’un discours, il y a avantage à mettre en avant le non comprendre, qu’il n’y a pas d’absolu. On comprend qu’il y a une grammaire, par exemple celle dont on a l’idée dans le schéma L, une grammaire déjà là et d’autant plus qu’on ne comprend pas. Le schéma L nous donne des ailes dans la logique de l’inconscient. Où voler ? Tout est possible. Peut-on laisser s’échapper, comme ça, une logique qui ne tient pas fixe ?
Alors, on essaie de fixer les logiques, de logifier en terme plus classique. Par exemple :
a, le premier (objet), la mère.
a’, le (moi), le moi idéal.
A, l’(Autre), le père.
S, le (sujet), le phallus.

En fixant le schéma L par des conceptions plus ou moins imaginaire, on en corrige l’intelligence, du père au Nom du père, par exemple. Mais la fixation est faite, c’est-à-dire que nous transportons le schéma L de Lacan en un schéma R qui nous donne la réalité, le plancher des vaches. C’est plus facile mais on est proche de la logique classique où le Nom du père est le Nom du père.
Nous avons les ailes du schéma L mais dés qu’on le fixe, le papillon est épinglé. Chaque fois que l’on fixe, il faut se rendre compte de ce que l’on fait. Fixer, c’est s’éloigner de la logique propre à la psychanalyse et cela même si vous la conserver sous le coude, dans un coin. La logique de la psychanalyse ne peut être construite sur un diagnostic même si la question finit par se poser. La fixation des idées est au travail car le principe est de non fixation, S1 ‡ S2, de non tiers exclus.

Dans la psychose, dire que le Nom du père n’est pas là revient à fixer le grand Autre par forclusion et donc à s’y situer dans la relation imaginaire. Mais la réponse de la psychose dans ce cas est de rétablir le schéma L en comblant le trou au niveau du père et du phallus.



Ceci est valable pour tout sujet, de névrose ou de psychose, le même processus du signifiant peut être mobilisé sous votre autorité, inventé à chaque fois avec la personne, qui vous fait confiance, bien sur.
Le grand Autre est à trouver dans le travail de l’analysant lui-même et l’observation des tiers qui s’y pose a d’autres portées que le diagnostic.
Merci.

Marcel GAUCHET 06102011 histoire de la psychanalyse

Marcel GAUCHET 06 10 2011 Histoire de la psychanalyse, EPHEP.


Présentation de Cathelineau :
Marcel Gauchet, bien avant sa mise en oeuvre, accompagne l’EPHEP, avec Melman, avec ses idées mais aussi ses modalités pratiques. Il est responsable, en son sein, de l’histoire de la psychanalyse et de la psychiatrie.
Historien et philosophe, directeur d’étude à l’EHESS, etc. Il est aussi rédacteur en chef de la revue “Le Débat” qu’il a créé avec Pierre Nora. Son dernier ouvrage est “L’avénement de la démocratie” chez Gallimard, et plus avant, “Le vrai Charcot”, en collaboration chez Calman Lévy, ainsi que le très important “L’inconscient, c’est (inaudible)”.
Il a toujours réservé un accueil chaleureux aux thèses de Melman et discuté les propos avec une fine attention.


Marcel Gauchet :
D’abord, un mot personnel : Je croyais ne jamais revenir sur ces questions. J’ai déserté ce champ d’étude à la mort de Gladis Swen. Sa mort m’a retiré le courage de poursuivre. “Dialogue avec l’insensé” était bouclé, je n’ai juste fait qu’achevé le travail sur Charcot que nous avions entrepris. Je me suis arrêté sur ce projet de décrire la naissance de la psychanalyse. Sans l’amicale assistance de Melman et la création de l’école, je n’aurais pas renoué le fil de cette ancienne préoccupation. Je le dédie à Gladis.


Cette préoccupation, les circonstances sociales lui donnent une actualité accrue par rapport à il y a vingt ans. Notre diagnostic sur l’état de la psychanalyse se confirme et l’aggravation de cet état motive cette idée d’une école qui répond précisément à l’institution, mais surtout qui s’adresse aux intellectuels qui subissent un climat de sclérose, un marasme intellectuel que connait la psychanalyse, toutes écoles confondues, et qui réclame que quelque chose soit repris à la base.
Notre hypothèse avec Gladys était que la psychanalyse souffre d’une crise d’identité historique et, j’en suis témoin, c’est confirmé : La psychanalyse souffre de mal savoir ce qu’elle est car elle ignore l’histoire dont elle procède.
Elle ne sait pas où elle va. Elle est là, caractéristique du malaise dans la culture présente, pionnière dans le malaise. L’identité de la psychanalyse s’est construite dans un certain déni du traitement historique, dans la mécanique d’une espèce d’extraterritorialité, voire un fantasme d’auto-engendrement.
La psychanalyse serait issue d’un génie intellectuel, et quelques circonstances de hasard, à partir de l’autoanalyse d’un seul; A l’origine de la psychanalyse, l’autoanalyse de Freud et c’est tout. Si cela était vrai, elle aurait pu naître n’importe quand, avec Charlemagne. C’est le mythe du héros fondateur qui suscite quelque question et des cibles faciles aux démolisseurs d’idole. Il n’y a qu’à voir Onfray.
Les crises chroniques du mouvement sont liées au déni de la détermination historique mais ce qui me paraît acquit, est que ce déni est devenu intenable : La psychanalyse aujourd’hui, dans son ensemble, sans discrimination, est rattrapée et submergée par l’histoire dont elle a surgit et dont elle ne peut se passer. Une dimension anthropologique, dont elle dépend, la laisse interdite.
L’heure est venue de lever ce déni d’inscription historique, de sortir du mythe, du fantasme, en vue de rompre avec l’idée d’autoengendrement. La psychanalyse a besoin de se réapproprier son identité historique à la lumière des conditions d’une certaine épistémologie historique.
Les conditions, l’environnement ont changé et cela la met en porte à faux. C’est avec les détermination historiques, et ce détour nécessaire pour ce rendu contemporain, que réside la base d’un nouvel élan.
Pas de méprise, tout cela n’enlève rien au génie de Freud, le seul qui su exploiter les ressources d’un contexte ouvert à tous et saisir l’impact sur la psychologie humaine de l’actualité boulversée de son époque. Ca n’enlève rien non plus à la psychanalyse dont l’assise solidifiée permettra de mieux en comprendre l’originalité.


Tel est l’enjeu de notre enquète et l’esprit que je veux imprimer dans l’école. Je rattacherai cette recherche à l’inspiration de Lacan dont j’ai pu tirer profit.
Lacan est , pour la psychanalyse, le traducteur de Freud dans la langue théorique et philosophique de son temps. Pour bien le comprendre, il faut avoir une idée de Hegel, qu’il a lui-même interprété avec Kojève. Freud en ignorait tout, il n’en a jamais parlé et pourtant il y a du sens à faire le lien entre Freud et Hegel.
De plus, Lacan montre que Saussure, mort en 1913, dont Freud n’avait jamais entendu parler alors qu’il enseignait à Genève à son époque, est essentiel en ce qui concerne l’objet de la psychanalyse, bien que Freud n’en aie jamais rien su.
Nous pourrons poursuivre au-delà de Lacan et, en ce sens, notre programme comporte un enseignement lié à Witgenstein dont Lacan n’a pas parlé, et Freud non plus mais … l’apport lacanien, sa rénovation a été d’arracher la psychanalyse à cette extraterritorialité culturel, historique, sociale, qui l’enfermait dans son aspect strictement médical. Ce désenclavement, il faut le poursuivre.


Un dernier mot à propos de moi pour répondre à votre curiosité. Pourquoi je me mêle de ça ? Car mon travail est de psycho-politique ou de théorie sociale. Mais pour moi le lien est direct et je vous assure que je n’en fait pas un hobby de psychanalyste du dimanche, bien que Kojève ne philosophait que le dimanche car il était fonctionnaire, voir “Le philosophe du dimanche”.
La révolution moderne que j’essaie de comprendre comporte un versant anthropologique qui emporte une refonte de l’humain, du collectif, du politique, c’est à dire une refonte de l’expérience que les êtres humains ont d’eux-mêmes, voilà mon point de vue.
De la révolution de l’être-soi qui accompagne la révolution de l’être-ensemble, l’histoire de la psychanalyse, et de la découverte de l’inconscient, en est le révélateur, de ce qui se joue là, la transformation de l’être-ensemble, dans l’intelligence du fait humain, énigmatique.




Quant à la référence au sujet, je le dis de suite, je ne ferai pas de freudologie ni de viennologie. Pas de petites histoires bien qu’elles constituent aussi l’histoire de la psychanalyse. Pour comprendre la psychanalyse dans l’histoire, il n’y a lieu d’aucun mépris pour le quotidien de la vie de Freud. Le microscope est utile, mais j’ai une autre perspective, un autre plan de bataille.


Envisager les conditions d’émergence de la psychanalyse réclame quatre précisions.
- Son émergence est inséparable d’un objet clinique inédit, les névroses, qui jette une lumière neuve sur la psychopathologie et qui la déterminera.
- Cet objet névrose sera un support pour la cristalisation théorique qui organisera l’impensable, l’inédit, désormais ouvert par cette percée scientifique majeur.
- Cet objet névrose est le révélateur d’une crise anthropologique majeur, crise du libéralisme, crise de l’expérience vécue et des repères intérieurs.
- La névrose est à replacer dans une histoire longue du sujet, non au sens banal mais au sens où le sujet est l’horizon spécifique de la modernité.


La modernité, c’est le sujet. Mais dans quel sens ? La découverte de l’inconscient est un moment majeur pour la compréhension du sujet au sens moderne. Tout se joue sur une première identification, la constitution du cadre clinique des névroses. C’est le levier, l’opérateur décisif pour entrer dans la question d’un bon pied et éviter les écueils que l’on peut lire.


Les généalogie de Freud pêchent par intellectualisme. L’histoire s’inscrit dans le ciel pur des idées, parfois avec science comme Helen Berger dans “A la découverte de son âme”. Il y a bien des généalogies d’influence mais qui n’éclairent pas sur ses conditions d’émergence.
Elle pêchent aussi par psychologisme, quand elle se concentre sur les détails de la biographie de Freud, jour après jour, dans l’espoir de saisir le déclic, le moment de la percée théorique telle qu’elle serait surgie de l’existence de Freud.
D’où les disputes burlesques. Couchait-il avec sa belle-soeur ? Ca changerait tout, évidemment. Ou encore, tout ne s’expliquerait-il pas par l’usage de la cocaïne ? Le sevrage, la frustration, la compensation et, in fine, la découverte de l’inconscient. Toutes affabulations qui ne s’adressent pas toujours au cocaïnomane mais toujours personnellement.


Les alternatives sont construites et non critiques de ces affabulations. La construction, pour comprendre comment ça s’est passé, c’est l’objet de l’histoire. Il y a lieu d’une lecture pragmatique, d’un départ du plus humble matériau. Les bases matérielles, pourquoi pas ? Qui rendent possible une place pour Freud, dans la société, pour un type particulier de spécialité médicale, adapté à une certaine demande. Une spécialité qui est un phénomène tout juste émergent, lié à l’exercice libéral de la neurologie qui se justifiait d’une clientèle en augmentation, en demande de cette médecine nouvelle.
La névrose est un objet culturel, à la mode, et un objet savant. C’est un nouvel objet médicale, avec un nouveau type de pratique et un nouveau genre de praticiens. Elle constitue le levier pour une élaboration d’une pensée sur l’inconscient en réponse aux difficultés précitées.
La névrose n’appartient pas au DSM et aux corrélations statistiques mais elle retourne le sens de cette clinique, elle change le regard sur ses phénomènes et aussi la manière de comprendre le pourquoi de ses troubles et du psychisme humain.
Elle catalyse des notions disparates, elle est l’attracteur du pensable de l’époque, pensable distinct de la pensée claire de son cheminement. Elle mobilise des connaissances nouvelles sur l’homme dont, de manière déterminante, ces deux avancées cruciales de la deuxième moitié du 19e siècles : La théorie de l’évolution et la fonction automatique du système nerveux.
Tout ça n’est qu’un programme. Il s’agit de comprendre comment Freud, avec Sulloway, dans le domaine de la biologie de l’esprit, pose la question du pensable de l’humanité en regard de l’évolution. Darwin n’en pense rien. C’est pas son sujet.


Mais les gens, dans son prolongement, n’en pense pas moins, sur les possibilités nouvelles de la psychologie de l’enfant et sur l’introduction de l’histoire dans les éléments même de la subjectivité, voire l’introduction dans l’histoire des éléments de la subjectivité, devenue pensable par la théorie de l’évolution. Il en va de même à propos de l’impact de la découverte du caractère automatique du SNC.


Je souligne la dimension du pensable sans préjuger d’une vérification empirique de l’efficience du travail à l’oeuvre réellement. Il s’agit essentiellement de considérations négatives dont le but est de mettre à mal la volonté de conserver des fantasmes au détriment de la compréhension.


Le névrosé est un personnage inscrit dans la société et qui donne à voir une expérience instructive. Il est le témoin d’une crise anthropologique qui remet en question l’idée du sujet de raison. Cette crise est issue d’une collision entre une poussée de l’individualisme tel qu’élaboré jusque là, et l’enracinement de modes de socialisation hérités.


La tension psychique est inouïe, le taux de suicide est le plus élevé de toute l’histoire. Le foyer principal de cette tension est la famille, institution dont les tensions sont extrême, mise à l’épreuve de l’égalité montante des sexes et de l’irrésistible ascension du mouvement de libération de la jeunesse, scout par exemple, où se rencontre l’impératif de reproduction sociale, culturelle, et l’aspiration nouvelle, affective, de liberté et de réalisation personnelle.


Les problèmes pratiques que posent les névroses et leur traitement en psychanalyse renouent avec les problèmes engendrés par la naissance de la psychiatrie. A ce sujet, Gladys Swen “Le sujet de la folie”. A ce moment s’ouvre une nouvelle scène du sujet, un sujet révélé par ses troubles, l’histoire qu’il en fait le fondera comme sujet. Le problème de savoir comment théoriser le sujet psychique s’ouvre sur la folie.


Ici, le sujet n’est pas freudien, il faudra attendre Lacan qui, grâce à sa lecture de Heidegger et la critique de la subjectivité, nous donne cette traduction théorique légitime avec laquelle nous allons continuer à chercher ce juste langage pour comprendre l’enracinement Freudien dans un domaine, en pratique, obscur.


La pragmatique est là. Freud est un bricoleur du champ clinique. Neurologie, psychologie, il part avec ce qu’il a sous la main, pas toujours le meilleur, d’où l’importance de revenir sur cette pratique pour rendre explicite l’enjeu de sa découverte.








Question : Les conditions d’émergence n’intéresse pas la psychanalyse et c’est dommage. Lacan avait des considérations proches de votre liberté de ton dans un article sur la famille écrit pour un dictionnaire. Avez-vous le même souci de traduire l’impact de l’institution familiale sur la pratique psychanalytique ?


Gauchet : Ce texte est très peu connu et peu exploité alors qu’il permet de mesurer le chemin parcouru depuis ces années trente où Lacan eut de grande difficulté à le faire publié. Il y glisse une hypothèse sur l’émergence de la psychanalyse en fonction de l’institution familiale de l’époque. C’est une intuition que nous pourrions développer pour expliciter cette crise anthropologique, le malaise, le hiatus entre malêtre et aspiration profonde de l’individu.


S’inscrire historiquement et socialement est un besoin de la poussée de la psychanalyse. Après Lacan, il faut faire ou continuer un travail sur l’inscription culturelle de la psychanalyse dans son temps. Cette inscription est un atout essentiel pour la psychanalyse dont l’identité essentiel se distingue de cette extraterritorialité un peu difficile à justifier.


Il y a un lien entre le moment d’émergence de la psychanalyse et les tensions dans le social, paroxystique, explosive. Désormais tout a changé, les verrous de l’époque ont sauté, il ne reste rien des résistances institutionnelles, des cadres de la société bourgeoise. Ce carcan social a explosé et permit la naissance d’individu très différent des victimes de la névrose au 19e siècle.


Il n’a plus ces mouvement “contre” l’ordre établit mais il ne sait plus où il est. Parfois content mais le plus souvent inquiet. Fini les scisions, les conflits majeurs et leurs expressions pathologique qui sont remplacées par d’autres, l’impression de vide, d’apesenteur, je ne sais pas qui je suis ni où je vais. Or il y a une continuïté de 1930 à nos jours. Dans la même coulée, les mêmes éléments ont mené plus loin que leurs revendications. Seul les précisions historiques permettront d’y tisser un fil rouge. Merci.

22 octobre 2011

Claude LANDMAN 03102011 Symptôme et signifiant

LANDMAN 03 10 2011 Symptôme et signifiant
Dans le texte de 1957, "L'instance de la lettre ...", Lacan identifie strictement le mécanisme par lequel se détermine le symptôme névrotique au mécanisme à l'œuvre dans la métaphore. Seule la métaphore permet, selon Lacan, de rendre compte de la condition que Freud exige comme nécessaire pour que se constitue le symptôme au sens de la psychanalyse : la surdétermination.

La surdétermination est le fait d'élément mnésique refoulé, employant inconsciemment des situations actuels avec pour fonction de modeler le vécu sur un mode symptomatique. Exemple clinique de cette surdétermination du symptôme ? La jeune Emma.
Dans l'Esquisse, au paragraphe intitulé "Le proton pseudo hystérique", le premier mensonge, premier au sens historique. La jeune Emma est sous la contrainte de ne pouvoir aller seule au magasin. Elle en a la phobie, la phobie est son symptôme. Pour se justifier, elle évoque un souvenir. Elle avait 11 ans, après la puberté, elle faisait des courses et vit deux commis qui riaient. Saisie d'effroi, elle prit la fuite. Elle pensait qu'ils riaient de sa robe mais l'un des deux lui plaisait sexuellement. La relation entre ces deux éléments reste incompréhensible à ses yeux et les souvenirs n'explique ni la contrainte ni la détermination du symptôme.
Or, un deuxième souvenir vient informer le premier. Elle a 8 ans, elle va seule au magasin de bonbons et le patron lui agrippe le sexe à travers ses vêtements. Elle y retourne cependant une deuxième et dernière fois. Elle se reproche d'avoir voulu le provoquer.
Le vécu actuel peut ramener cet état d'oppression. Mais s'il y a bien deux souvenirs, nous avons besoin d'une liaison associative. C'est la jeune fille qui le donnera : le rire des commis rappelle le rictus de l'épicier.
Reconstruction de l'épisode : Dans le magasin, les deux commis rient. Ce rire réveille le souvenir de l'épicier. Elle est seule dans les deux cas. A 8 ans, c'est à travers les vêtements que le patron la touche, mais devenue pubère, elle a peur de répéter-provoquer cet attouchement par les commis et elle prend la fuite.
La relation antérieure privilégiée avec l'épicier est refoulée et, utilisées inconsciemment, les situations actuelles ont pour effet de modeler le vécu sur un mode symptomatique.
Effroi - Fuite - Phobie.
C'est par cette surdétermination du symptôme au sens freudien que Lacan identifie la mécanique de cette figure connue : la métaphore. Qu'est-ce qu'une métaphore ? Il est difficile de la définir car il y a deux conceptions différentes qui l'abordent.
Il ya une conception freudienne, fondée sur la référence au signifiant et sa matérialité, la lettre soit la manière dont le signifiant se dépose. L'écriture est un effet du langage, la lettre, un effet du signifiant. On trouve cela implicitement chez Freud, la référence au signifiant et à ses permutations devient explicite grâce à la linguistique structurale de F. De Saussure.
Pour Lacan, Freud anticipe cette linguistique et en conditionne l'émergence. Sans Freud, pas de linguistique structurale mais ce n'est qu'après coup, avec l'avènement de Saussure, que pourra être repérée la référence freudienne au signifiant. La linguistique au sens moderne trouve un prolongement prenant appui sur Lacan, c'est Jacobson et la conception de la métaphore fondée sur la référence au signifiant. Avec cette notion de signifiant, on pourra extraire la mécanique pour produire la métaphore.
Une autre conception, non fondée sur le signifiant et ses permutations, mais sur le signifié est une conception préfreudienne et, même, préscientifique car elle ne tient pas compte de l'avènement du sujet de la science qui date de Galilée et Descartes. Cette conception définit la métaphore comme une comparaison, voir une comparaison abrégée soit toute entière dans la signification. Jean est un lion veut dire que Jean est aussi brave qu'un lion.
Mais voici un autre exemple : "Booz endormis" de Victor Hugo, poème à la fois biblique (Ruth) et virgilien (la féconde paternel). "Sa gerbe n'était ni avare ni haineuse" et s'il croise quelques pauvres glaneuses, il laissera tomber quelques épis.
Si la métaphore est fondée sur le signifié, alors la comparaison latente, la traduction pourrait être que de même générosité que les graines, Booz n'était pas avare. Peut-on s'en satisfaire ? Se satisfaire de deux signifiés qui produisent comme une étincelle entre deux images. Ne peut-on pas reconnaitre l'éclair qui donne accès à la signification par la métaphore et la métonymie. Il y a bien transfert de signifié, oui, comme en étymologie, mais aussi transfert d'un signifiant à un autre qui prend sa place dans la chaine signifiante.
Booz - Gerbe - Ni avare
Ce dernier attribut se transfert à sa gerbe; Le signifiant se substitue à l'autre, Gerbe - Booz, et c'est là qu'étincelle de la signification. L'effet de sens produit dans le non sens, lui-même produit par la métaphore. Enigme ?
Dans le vers de Hugo, il ne jaillit aucune lumière du mot gerbe et du mot haineuse, leur association est un non sens et ne comporte aucune nécessité de les accorder. L'association de gerbe et de haineuse est un non sens mais un non sens qui crée la métaphore. Il y a un mérite ou un démérite lié à ces attributs, l'un et l'autre propriété de Booz parce qu'il agit avec la gerbe et non pas la gerbe elle-même qui n'est ni avare ni haineuse. Ce n'est pas Booz mais elle vient à sa place. Sans lui faire part de ses sentiments, à la gerbe, il lui demande pas son avis pour distribuer des grains. Attribuer à la gerbe ce qu'elle ne pourrait posséder est un non sens qui produit un effet de sens car la gerbe vient à la place de Booz dans la chaine signifiante poétique.

Pour aller plus loin dans le mécanisme de la métaphore comme relevant du seul régime du signifiant et de ses lois, qui est aussi à l'œuvre dans le symptôme, au sens psychanalytique, il faut revenir à l'algorithme qui fonde, en référence au sujet de la science, le moment constituant de la linguistique moderne, S/s.
Il se lit "signifiant sur signifié", le "sur" répond à la barre qui sépare les deux états. La thématique de cette science est suspendue à la position primordiale du S et du s comme séparé radicalement par une barrière. C'est là ce qui rend possible la lecture exacte des liaisons propres au signifiant, indépendamment du signifié, liaisons qui vont engendrer la signification, liaisons dont il faut mesurer l'ampleur de leur fonction dans la genèse du signifié.

S/s est une écriture, littéralement sans signification en elle-même, dont le jeu est fonction du signifiant indépendamment de la signification, ce qui est conséquent avec ce qu'évoque Lacan.
En revanche, elle est à lire, ce sont des lettres. Elles sont à lire, c'est à dire à interpréter soit donner signification car elles n'en n'ont aucune par elles-même.
La métaphore est déterminée de cet algorithme qui, en conséquence, doit aussi être interpréter.
Dans la formule S/s, la barre entre S et s signe la préémminence du S sur s. Sur, dessus, c'est écrit et il faut le lire Grand S "sur" petit s. C'est plus qu'un trait de fraction, comme 5/3, 5 sur 3. Ce trait de séparation est à lire comme une barre résistante à la signification, une barrière.
La barre est cette distinction radicale entre deux ordres, le signifiant et le signifié, qui témoigne qu'il n'existe pas, dans le langage et sa pratique, contrairement à une approche nominaliste, il n'existe pas de correspondance biunivoque entre le mot et la chose. Pas plus que par ailleurs entre les hommes et les femmes. Sa représentation, son idée, entre les mots, l'idée de la chose, la représentation de la chose, donc le signifiant, n'a pas la fonction d'être le représentant du signifié. Le mot cheval, pour nommer un cheval, est-il le représentant du cheval ? Non si S/s.
De la correspondance biunivoque des représentations dans le champ signifiant, Lacan en fait l'éclatante démonstration en reprenant un schéma fautif de De Saussure, censé représenter le rapport du signifiant au signifié, dont ses élèves ont admis par amour, les contresens du "Cours de linguistique générales". Il représente le mot "arbre" dessus une barre sous laquelle un dessin d'arbre.
Au signifiant "arbre" correspond son signifié, l'idée de l'arbre représentée par le dessin d'un arbre générique quelconque. Ce que Lacan réfute, de manière époustouflante, dans un style congruent avec la démonstration. C'est ainsi qu'il reprend le mot "arbre", non dans son isolation nominal mais au terme d'une de ses ponctuation. Il fait référence au fait que, si la chaîne signifiante est linéaire, comme le dit Saussure car le discours prononcé l'est d'une seule voix et orienté, comme l'écriture, dans le temps horizontal et linéaire de la chaîne signifiante, si cela est vrai, il faut surtout, selon Lacan, garder à l'entendement que cette chaîne est à lire comme une partition à plusieurs portées comme dans la polyphonie de la poésie où l'on y entend plusieurs voix.
Chaque unité de la chaîne signifiante est comme un point sur quoi s'appuie la verticale de la contestation du locuteur pour manifester ce qui, de son contexte, se trouve attesté.
Ainsi "voile" de bateau, de mariée, de veuve ou le voile des illusions, etc... Chaque mot est une ponctuation, dans cette linéarité, qui renvoie au contexte du locuteur. C'est ce qui fait la richesse du langage, voilà pourquoi la linéarité est insuffisante. Et bien que la topologie ira un jour plus loin, il y a déjà là un dépassement.
Nous verrons que ce n'est pas le seul à la faveur du fait que le mot "arbre", dans le style de Lacan, franchit la barre de multiple façon. Quelle importance que "arbre" soit l'anagramme de "barre" si ce n'est de ce que cet anagramme est une production qui engendre de la signification, qui franchit la barre.
Lacan, avec arbre et barre, aborde comment "arbre" franchit la barre pour signifier quelque chose. Mais il convient pour le lire de noter que ces modalités selon lesquels "arbre" franchit la barre, sont strictement interne à la logique du signifiant, à ses permutations avec d'autres signifiants ou à ses modifications internes. Lacan s'engage à partir du maximum possible de jeu que le mot arbre permet. De même avec le mot barre. Lorsqu'il "décompose des voyelles et des consonnes", l'arbre appelle leur robre (b, r), un chêne très dur, et le platane (a, e), et des significations dont ils chargent de leur flou la force et la majesté, drainant la Bible, il dresse l'arbre comme l'ombre de la croix, qui est à entendre comme écriture littérale, puis le réduit à l'y majuscule qui, peut-être, est la marque du signifiant "arbre" qui s'en émerge.
Tout généalogique, pas de généalogie sans Y. L'arbre est circulatoire, fait de diagramme, conducteur de la foudre. Il se retrouve dans l'écaille de tortue soumise au flamme, allusion aux idéogrammes chinois. Où l'éclair, est-ce une évocation de l'arbre ? fait référence à Héraclite "C'est comme un éclair !" qui fait surgir de la nuit cette mutation de l'être dans l'en-tout, l'un qui est tout, oxymore.
Et les références à Valéry, au platane de "Charmes", ces vers au non dit de l'arbre "dans l'étincellement de sa tête superbe" à entendre comme le rêve que la tempête traite universellement comme d'une herbe.

Après avoir insisté sur le jeu de la lettre interne au signifiant dans la genèse du signifié, de la signification,Lacan va reprendre de même mais pour le jeu, la voie des permutations, la modalité de connexion, le mot à mot, pars pro toto, de la métonymie. Exemple : Trente voiles pour trente bateaux, connexion de signifiant à signifiant. Soit la métonymie, connexion, soit la substitution, un mot pour un autre, la métaphore.

La métaphore est du plus grand intérêt, nous le verrons, pour rendre compte de la structure du symptôme de la névrose mais il convient de ne pas ignorer que ces deux modalités, connexion et substitution, renvoient aux deux pôles du langage de Jakcobson.
La diachronie, qui concerne la syntaxe, où s'origine de la contiguïté signifiante un ordre ou chaque signifiant est en contact avec les autres signifiants. Comme par exemple entre le sujet et l'attribut.
La synchronie, issue du stock lexicale, liée à la similarité signifiante qui permet la substitution d'un signifiant à un autre signifiant pour produire une métaphore.
Dans un cas, un signifiant se substitue et dans l'autre cas, un signifiant vient "à la place" d'un autre. Ce qu'il faut noter est que la métonymie est une condition de la production signifiante car elle donne le lieu, positionnel, du sujet, de l'attribut, etc. Alors que le procès de la métaphore est "substitution", elle dépend du "à la place de" de la métonymie. Sans la distinction entre le sujet et l'attribut, sans cette place préalable dans la chaîne signifiante, la métaphore est impossible. La condition de la substitution est que les places soit déjà établies, qu'il y aie déjà du lieu positionnel. Le pôle de la contiguïté signifiante est la condition de l'émergence de la signification.
Qu'un chien fasse miaou fait rire précisément d'entendre que la langue est faite pour dire autre chose que ce qu'elle dit, ce qui constitue la richesse et le prix du maniement de la langue.
Merci.

Jean Christophe CATHELINEAU 03102011 Logique et réel

CATHELINEAU 03 10 2011 Logique et réel
Que veut dire que la logique est la science du réel ? Qu'est-ce que la science du réel ? Avec Lacan, nous pouvons le formuler comme suit : Que le sens de ces formules faites de petites lettres dépend d'une interprétation, tout comme pour les mathèmes, une interprétation déterminée par l'écriture. L'interprétation découle de la consistance d'une écriture et c'est en cela que Lacan la désigne comme science du réel.
Un exemple ? Newton. Ses écritures formelles, G2T, etc. Ses lettres sont autant de variables choisies par Newton auxquelles il a lié des fonctions, des rapports de l'une à l'autre. G pour gravitation, T pour temps, etc. Ces lettres font force d'interprétation pour le réel.
En logique, Lacan propose une écriture, les mathèmes de la sexuation qui constituent une manière de parler du réel de la psychanalyse, c'est à dire de ce qui constitue le lit de la jouissance. Il propose une écriture qui parle du réel de la jouissance.
Dans un deuxième temps, ce qui en découle est d'ordre clinique : il n'y a pas d'autre moyen pour traité la différence des sexes, pas d'autre moyen que la logique. Ce qui oblige à revenir au fondement de la logique. Lacan est allé rechercher ces fondements dans "de l'interprétation" où Aristote définit certains principes de la logique. "Per ermeneia". Et aussi dans d'autres textes, peu comestibles, ce n’est pas des romans de gare, comme le 1er et 2ème "analytique", qui fondent la prévalence de la lettre en logique.
Le jugement ce fait avec des mots, par exemple "tout homme est blanc", mais Aristote souffle les mots et les remplace par des lettres, c'est à dire des variables, tout A est B, et cela constitue purement et simplement la naissance de la science au sens moderne de ce mot.
Quel est le cheminement de Lacan, d'Aristote au mathème de la sexuation ? De quelle thèse d'Aristote part-il pour construire ses mathèmes ? Il en parle pour la première fois dans le séminaire "D'un discours qui ne serait pas du semblant", dans la leçon du 17 03 1971.
Il y fait allusion à 7-17B 15 20 de "De interprétation" où Aristote pose que l'affirmation, issue d'un "je dis que", qui signale l'universelle s'oppose contradictoirement à une négation partout sur la même chose mais telle qu'elle ne soit pas prise contradictoirement. C'est à décrypter !
Quelle est la question d'Aristote sur laquelle revient Lacan et qui est au cœur du problème ? C'est la contradiction. Où se situe-t-elle ? Qu'est-ce qui est contradictoire ?
Elle se situe entre UA "tout homme est blanc" et PN "quelques hommes ne sont pas blancs". C'est là que, du point de vue logique, il y a contradiction si on essaie de dire les deux choses en même temps. On ne peut pas dire l'une et l'autre. C'est l'un ou l'autre, soit l'un soit l'autre.
Il y a aussi cette contradiction UA et PN "quelques hommes ne sont pas blancs", mais c'est UA/PN que privilégie Lacan, on verra pourquoi c'est cette contradiction qu'il élit.

De quelle nature est cette UA ? Allusif ? Oui, car il y a certainement des circonstances historiques qui l'entoure comme l'éphèbisme. Cette UA, qu'est-ce que c'est ? C'est un énoncé de discours. Un énoncé qui, pour Aristote, concerne plusieurs sujets dans le cas de U et concerne un nombre illimité de sujet dans le cas de P.
Il s'agit d'un énoncé de discours car on se fiche de savoir si "homme" correspond à un ou des êtres réels. Aristote, lui, n'y était pas indifférent mais, en toute logique, il n'est pas nécessaire que cela concerne des êtres réels car c'est affaire de discours essentiellement. Comment le montrer ?
Pour le montrer, il y a le quadrant de Pierce dans "Element of logique, Vol II" (voir illustration). Il s'agit d'un cercle divisé en quatre parts. A gauche, il y a des traits verticaux, A, à droite, il n'y a aucun trait verticaux, N. La part supérieur ne comporte aucun trait oblique, P, la part inférieur contient des traits obliques, U.
Voilà de quoi inscrire un jugement dont celui qui consiste à dire que, en haut à gauche, UA, tout trait est vertical. Ce que Peirce observe, c'est en haut à droite, il n'y a aucun trait, ce qui est équivalent à dire que là aussi, tout est trait est vertical. Voilà ce qui intéresse Lacan.
L'universelle est un pur énoncé de discours, il est vrai quand bien même la zone est vide, la zone vide est valable pour l'universelle A et N. Et il opère un renversement logique dont la logique contemporaine peine à prendre la mesure. Pour Aristote l'universelle U prime sur P. C'est le primat de l'universelle. Mais pas chez Lacan. Pour lui, UA énonce une essence qui n'est qu'un pur énoncé de discours, essentiellement logique.
La logique relève d'énoncé de discours, et pas seulement d’écriture. Les énoncés de discours relève de la lexis, le discours déclaratif, le discours sur le discours, que l'on trouve déjà chez Aristote. C'est de l'ordre de la déclaration, ce qu'on énonce, c'est un acte d'énonciation quand on dit UA.
A l'origine de la logique, le sujet est présent, non forclos, pour énoncé ce qu'il y a à déclarer. Lacan dit qu'il en découle. La logique est la science du réel car elle procède d'un dire (mais pas seulement) qui fait de ces énoncés, des énoncés de discours. Le vif du sujet est celui-ci : Comment Lacan interprète UA et PN et que reste-t-il de la contradiction UA et PN ?
Il interprète cette écriture en la formalisant à partir de la logique contemporaine, à partir de Frege et de Sen(?). La contradiction n'est plus une contradiction mais relation de structure
Pour interpréter, il formalise avec cette introduction qui est de l'ordre de l'invention contemporaine, soit un formalisme de quanteur, pour tout x, pas tout x, la barrière de x comme rapport quantitatif à la barrière du x.
Les quanteurs, issus de Frege, Russel, Mathieu, jouent du prédicat dans leur rapport aux fonctions. Pour rappel, dans l'assertion "tout homme est blanc", le terme "tout" est le sujet, "blanc" est le prédicat, "est" est la copule. Avec Frege, etc, est blanc une fonction, la propriété de x est d'avoir comme image f(x) tel que Tous x - f(x). Le prédicat est f(x).
En mathématique, f(x) a ce sens : une fonction numérique de la variable x. Par exemple, f(x)=x2.
Mais dans notre domaine, ce n'est pas cela, ici, pour nous, le prédicat remplace la fonction.
Question : Est-ce que la propriété est satisfaite ou non ? Si nous pouvons dire que si cela est vrai pour f(x) ou faux alors la fonction dépend de x, c'est une variable de vérité.
Avec le mathème de la sexuation, Lacan part de là, sauf que cette fonction est, pour la psychanalyse qui est le champ auquel il se cantonne, cette fonction est la fonction phallique, grand phi de x, qui est précisément, d'abord, un fait de discours. Voir les Noms du père. C'est à dire le fait du discours plus un qui supplée au défaut du rapport sexuel, qui vient à la place, parce qu'il n'y en a pas. Donc cette fonction a un sens sexuel, de grand phi de x, de cette fonction vient ce qui détermine le sens sexuel.
A la fin du séminaire sur les Non Dupes Errent, il évoque la jouissance la jouissance phallique. Le "Il existe x, phi de x" c'est la castration, potentiellement pour tout sujet en relevant. Mais tous sujet n'en relève pas de la castration. C'est de la fonction grand phi que relève l'idée de tout, ce n’est pas du x que vient le fait de la castration, mais de tout x vient le fait de la castration. Cette fonction porte en elle les ressort de la logique car c'est de cette proposition que découle l'universelle.
En quoi consiste la fonction phi ? Dans un rapport avec l'organe, bien sur, mais aussi dans la présence/absence. Mais est-ce une image en miroir ? Non.
Quelle est sa fonction par rapport aux autres signifiants ? Attention : grand phi de x n'est pas "petit phi de x". Grand phi est la signification propre au manque autour de quoi tourne la chaine signifiante. Ou encore, sa position tient plus au rapport par quoi on saisit plus l'absence de son objet que sa présence.
Qu'est-ce que la "signification du phallus" ? La castration est la jouissance interdite du fait de la mise en place du manque, du trou autour duquel la parole et le désir s'articule.
Qu'il existe un x soumis à phi n'est pas une écriture formelle à écrire et puis basta ! Elle suppose un dire, l'opération d'une énonciation pour son déploiement sémantique.
Qu'il existe un x soumis à phi pose un universel, U, en relation avec la jouissance et c'est en ce sens que la logique est une science du réel car elle permet au sujet d'écrire, d'écrire sa propre inscription dans la jouissance qui fait repère pour, dans, la jouissance phallique.
Le côté gauche du schéma de la sexuation, le côté des écritures qui concerne la sexuation masculine impose des guillemets car rien n'est aussi tranché.
La logique, dans son rapport à la jouissance n'est plus celle d'Aristote; Ici, elle vaut comme interprétation de la logique d'Aristote, elle nous dit qu’UA relève de Phi de x et jouissance de phi, à l'origine de tout, c'est à dire de l'origine de l'idée de totalité.
Elle nous avertit du caractère singulier de cette jouissance dans ses effets logiques, Elle nous alerte sur la dimension, dit-mension, peut-être partielle, de ses effets. La totalité, "pour tout x, phi de x" a des à côtés, elle n'est pas fermée sur elle-même, et le cas échéant, elle suppose quand même qu'il y ait autre chose.qui ne se résume pas seulement à la relation du sujet au discours.
Pour Aristote, la totalité triomphante est souveraine, c'est La logique. Du point de vue de la formalisation, la totalité est ce qui peut-être ce quelque chose grâce auquel, peut-être, il est possible de penser autre chose.
Lacan ne présente plus UA que relativement à autre chose et notamment PN qui n'est plus contradictoire à travers la notion de "existence".

Comment aborder ceci en logicien: Il existe au moins un x qui nie phi de x, qui n'est pas soumis à la castration. Comment l'interpréter en logique ?
Comment l'aborder en logicien ? Il existe au moins un x qui nie phi de x, qui n'est pas soumis à la castration. Comment l'interpréter en logique ? Cela fait référence aux travaux de Gödel qui démontre qu'il y a au moins une proposition du système, d'un système logique, qui n'est pas démontrée dans le système. Cela fait référence au sein de tout système logique, la place d'une exception au système, non démontrable dans le système. C'est PN, il existe au moins un x qui nie phi de x, qui nie la castration.
Quelle interprétation sémantique ? Ce au moins un qui nie la castration, c'est qui ? Lacan le retrouve dans Aristote. L'élément hors du système et déterminant, c'est le premier moteur, figure du divin, exception qui détermine tout le reste, dimension de toute puissante, déterminante pour Aristote et à sa suite Saint Thomas, etc.
Freud reprend ce trait dans "Totem et tabou", où le père de la horde est celui à qui tout est permis, x qui n'est pas soumis à phi de x. Il se fait zigouiller par ses fils et de la culpabilité qui succède au meurtre originel s'origine les interdits moraux et sociaux, soit la civilisation. Au regard de Freud, il y a donc une explication simple des mathèmes : phi concerne tous, au moins un excepté, PN, le père mort.
Il existe x qui nie phi de x. Que quelques hommes ne soient pas blancs, que quelques uns nient la fonction blanc, pour Lacan, le sens est ici sexuel. Le procès logique est déplacé. Pourquoi ? Envisageons deux manières de l'interpréter.
En mettant en évidence, en Lacanien, le père mort ou le père symbolique. Ce au moins un permet, du fait de l'exception, de faire tenir le lien social. Voir Jean Pierre Lebrun : Pas de lien social et institutionnel sinon de cette fonction d'exception.

Je ne fais pas mienne cette théorie mais il la tient comme telle par la fonction de direction du au moins un hors castration, nécessaire pour que quelque chose puisse tenir dans l'institution. Ma petite objection, qui rejoint mon dernier séminaire est que si on considère l'un, qui n'est pas l'au moins un, est un "un" troué qui porte la dimension du manque et à l'intérieur du noeud borroméen, les deux autres "un" troué ont la même valeur, l'un ne vaut pas plus que l'autre. Dés lors, ne doit-on pas considérer que le noeud borroméen introduit, par rapport au "au moins un", un déplacement tel que ce qui est interrogé, c'est la dimension d'exception, car dans le noeud borroméen, ils sont tous exceptionnel. Alors que serait un lien social fondé sur "tous exceptionnel" ou au moins un exceptionnel ? Voilà ma timide objection.

Il y a une autre manière, plus clinique d'interpréter le au moins un. Voir Charles Melman, l'au moins une, avec sa charge sexuelle. Au moins une non soumise à la castration qui possède une certaine forme de pérennité comme dans certaines formes d'hystéries à la subjectivité toute puissante et hors castration. Ce n’est pas si rare. Cela indique qu'elles peuvent tenir cette place qui fascine par sa sauvagerie et ce ton de liberté sans limite, caractéristique de cette toute puissance.
Dans cette référence faite à l'exception qui confirme la règle, la Diva, sur le versant de la clinique, il y a le risque d'un oubli de ce qui est essentiel dans l'enseignement de Lacan autour de la fonction phi de x, la fonction de ce qui fait trou, manque. Moi, j'ai toujours un peu de réticence à l'apologie de l'au moins un.
Est-ce que ces remarques suffisent pour distinguer Lacan et Aristote ? Le dernier pas déterminant est d'avoir, au-delà de l'universelle U d'Aristote, d'avoir considérer possible une barre de négation sur le quantum du tout. Et cela, la logique classique n'y aurait pas pensé. Pas tout x est phi de x. Quand bien même cela se trouve chez Aristote sous la forme du "ou pas", pour Descartes, ça ne tient pas, c'est inconsistant logiquement, il ne peut l'intégrer dans son raisonnement logique.
Comment entendre ce coup de force théorique ? Ce que Lacan montre, c'est que le rapport à l'universelle, énoncé de discours, dépend de phi de x, qu'il y a donc un rapport étroit avec la fonction du sujet. En écrivant "pas tout", il écrit la fonction phi en rapport avec quelques éléments et aussi que quelques éléments n'en relèvent pas. Il s'agit ici, non de sujets, mais du champ de la jouissance phallique pour un certain nombre de x, soit un champ qui échappe à la prise de U. Voilà comment il caractérise la position féminine.
Quand est-il de ce champ ? "Les femmes ne peuvent rien en dire». Lacan, avec cette assertion évoque l'in-substance, substance qui n'est autre que le sujet et le champ de la fonction phallique. Pour entendre logiquement l'in-substance, il faut insister sur l'inexistence. Il n'existe pas quelque chose qui ne fait référence à un "un", qui déborde la question du un qui n'a comme contour que le réel lui-même.
Lacan fait référence à Sainte Thérèse, dans la mystique de laquelle n'existe aucun sujet mais une référence au réel, où vient se dissoudre ce qui subsiste de subjectivité. Lacan met en évidence l'inexistence dans la logique, on parle souvent du pas-tout mais on oublie qu'il y a aussi l'inexistence en logique qui permet de se tenir à distance de la jouissance phallique et, donc, de se soutenir du pas-tout.

Conclusion ? Le déplacement opéré par Lacan concerne la logique qui, pendant des siècles, a été abusivement fondée sur l'universel soit les essences. Lacan rappelle opportunément que le titre originel de l'ouvrage d'Aristote est Organon. L'entrée en fonction de phi avec U ne signifie pas le primat de U mais par définition, ce qui n'en relève pas. Il s'appuie sur l'exception et sur cette dimension qui la déborde, la dimension de l'inexistence qu'Aristote ne voit pas, dépendant qu'il est du primat de l'universelle. Dans son schéma en intention, U n'est pas questionné. Dans le noeud borroméen, un réel échappe à U qui est, dés lors, questionné. Pas-tout veut dire que quelque chose échappe. Bien entendu, cela n'a de sens au départ qu'en matière de sexuation mais cela fait retour dans la science par l'élaboration d'une logique des classes.
Par la logique, l'accès à un réel est possible, déterminé par phi, d'une part, mais qui y échappe, d'autre part, ce qui légitime que la logique, telle que Lacan la conçoit, est la science du réel.
Hypothese non fingo. C'est l'écriture qui permet la théorie de la gravitation. L'invention d'une écriture est invention du réel. La jouissance phallique et la jouissance autre est une invention du réel du fait de son écriture. Est-ce qu'elles existaient avant ? Ben oui, voyez Sainte Thérèse. Mais il n'y a pas d'autre monde, c'est l'écriture qui fait le réel.

4 octobre 2011

Charles MELMAN 29092011 Savoir et méconnaissance

La distinction entre savoir et connaissance est essentiel. Un exemple instructif fut cette journée, samedi dernier, sur la famille organisée à la Sorbonne. Cette journée était pas habitée par le renouvellement du thème, son enrichissement, il y avait peu de notions historiques, etc. Elle était essentiellement concernée par ce qui était un savoir qui était là exposé, celui-ci adressé directement du savoir de l'auditoire. Un déficit des connaissances, donc, et la richesse des savoirs. Une éminente sociologue, riche en connaissance, Irène Théry, lors d'une intervention, contestait que la loi n'autorise pas l'enfant à connaître le donateur ou la donatrice en cas de PMA, procréation médicalement assistée. Il y aurait lieu d'un débat autour des exigences et des plaintes que les démocraties devraient reconnaître et au sujet duquel elles accusent un retard. Il y aurait lieu d'admettre des éléments de contestation, de politique qui devraient, pourquoi pas, déboucher sur une question au parlement qui bientôt, n'en doutons pas, devra trancher. Qu'est-ce qui est en jeu dans cet affaire ? Quel est son intérêt ?
La question est pertinente et d'autant plus que l'auditoire, composé notamment de psychanalyste, accueille cette requête le plus favorablement qu'on puisse espérer. C'était le but de I. Théry. Mais constatons que si on interroge individuellement, si on demande à chacun pourquoi, alors plus personne ne sait. Comme si l'accord était obtenu du fait que cette sociologue soit intéressante, qu'elle parle d'autorité et que ses propos ont une certaine épaisseur, qu'elle dit des choses nouvelles, etc. Comme si des arguments faibles suffisaient devant des enjeux faibles. Ni la culture, ni la république ne sont en danger.
Ces réflexion étaient entièrement fondées sur le savoir. On est pour sans savoir pourquoi. Pas besoin de savoir de quoi il s'agit, on sait que c'est bien. Dans ce temple de la connaissance, elle se retrouve négligée au profit de l'empathie, du savoir. Pourquoi cette adhésion d'un public à priori informé ?
Donner le nom du donateur fixe que le patronyme, ici causateur, apte à donner la substance nécessaire, ce patronyme est détaché de la filiation pour se réduire à l'agent d'une reproduction asexuée. Cet agent, du patronyme, il n'en veut pas. Il peut éventuellement être tiraillé par différent raisonnement mais il s'abstient de la paternité, affranchis de la charge parentale. Il s'agit de l'introduction sur un marché d'un nom propre dont l'usage est, non de castration, mais littéralement châtré, réduit juste à la production de substance. Donner un nom propre pour désigner la paternité réel, d'une part, mais d'autre part, dégagée de toute responsabilité, c'est désavoué celui que l'enfant pouvait prendre pour son père. Il y en a un autre et cela valide un fantasme ordinaire d'avoir enfin de vrais parents, qui ne contraignent pas, dans un mouvement qui vient détacher l'enfant du couple qui l'a élevé et dont il n'en serait pas.
Il y a donc assimilation du donneur à une position idéale de mère réelle biologique, détachée de ses contingences anciennes que constituent les conditions des charges de la filiation. A mère biologique, père biologique.
Pas de méprise sur mes propos, il ne s'agit pas là de critique. Leur objet est de vérifier de quelle façon et à quelles conditions s'obtient une adhésion sur un thème banal et montrer que le savoir peut impliquer des adhésions collectives de masse. Des masses bien à l'abri, protégée du non sens. J'ai choisi cet exemple car c'est une illustration très contemporaine pour reprendre le fil de mes propos sur la question du rapport entre savoir et connaissance. Et puis rappeler Aristote. "Rien n'est d'esprit qui ne se fait d'abord des sens"
Si j'ai quelque chose à connaître, je l'ai d'abord déjà dans mon rapport, non dans l’environnement mais, de ce que les sens peuvent en percevoir. Cette assertion est essentiel car elle contrevient à son maître, Platon, pour qui au contraire c'est dans le domaine des idées que s'organise notre perception du monde. Et dans la lignée de Socrate, ce n'est pas la connaissance de soi-même mais c'est dans les idées que se trouvent les instruments aptes à déchiffrer le monde. Le Ménon est une habile interrogation qui montre que l'esclave savait. Sans la connaissance pour doubler la surface du carré, Socrate montre que l'esclave en a le savoir et, du fait qu'il en soit porteur de ce savoir, il suffit de l'y faire accéder pour qu'il se dévoile. Notons ce ci que le terme de "théorie" est étymologiquement porteur d'ambiguïté car il concerne d'abord ce qui en est de la vision.
Donc, il y a un dilemme. Avec l'idée que quelque chose s'acquiert par l'expérience, essais, erreurs et corrections, ou à priori dépassé, en chacun, se détermine la méthode destinée à éveiller l'enfant d'abord à ce qui est en lui. Dans l'éducation nationale, le débat n'est pas tranché, la querelle reste active. Remarquons directement qu'une certaine façon de poser la question qui suppose un espace organisé par le dedans et le dehors, suppose un corps, quel qu'il soit, plongé dans un milieu. C'est un préalable rarement examiné pourtant il y a ce premier étonnement qui, de cette distribution, relève d'un processus qui tient à la dimension de l'imaginaire, et qui découpe l'espace en un cercle représentatif d'un corps plongé dans son extérieur. Ce rapport du corps à l'extérieur est impossible à évacuer car il consiste en mode de relation, essentiel, à son entourage.
Cette solitude de l'organisme, dans un environnement mesuré, dans ses versions amicales ou hostiles, dans la sensitivité d'un état persécutif, ce mode d'appréhension est très répandu. Répandu en tant que vécu et cela, nous ne pouvons l'évacuer sous prétexte qu'elle est imaginaire. Ce corps, comme un cercle ouvert par quelques orifices spécifiés voués aux échanges avec un environnement constamment contrôlé, joue dans notre rapport avec ce qu'on appelle le monde.
Ici, il y a un pas essentiel dont je ne sais s'il a été clairement franchi. Cet environnement auquel l'organisme se trouve confronté, pour le petit comme pour le grand, il n'est jamais neutre. C'est tout différent que de l'envisager sous l'angle amicale ou hostile. Il n'est jamais neutre car il est habité. Par quoi ? Par des présences, divines ou pas, une ou plurielles, mais présences dont il faut gagner la bienveillance, car elles pourraient être hostiles, d'où le sacrifice qui établit le lien avec ces volontés qu'il faut consulter sur ce qu'il y a lieu de faire.
Cet esprit rationaliste dans l'histoire risquait le sort d'une bataille dans les entrailles de quelques volatiles. Ils risquaient une bataille en fonction des auspices. Ce qui est habité d'un savoir met en demeure de le déchiffrer, déchiffrage infini, qui concerne le livre de la nature ou un texte fondateur. Je veux mettre en avant qu'il n'y a pas lieu d'un rapport naïf avec l'environnement qui se présente avant tout comme un artefact. Cet artefact est issu de ce qui le distingue de celui qui l'interroge, à savoir un lien électif, car la question est toujours construite dans la langue du destinataire. Une langue étrangère, de ce point de vue, rempli les conditions de la présence d'un envahisseur qui rompt le lien spécifié de cet autre ainsi que les conditions de la psychose.
Nous sommes toujours dans l'idée que nous tenons pour valide ces évidences qui n'ont jamais été établies. Par exemple, Newton, qui déchiffre la présence de ce savoir, mathématisable, suppose un dieu organisateur. L'actualité amusante, nous montre que les efforts d'Einstein pour relativiser la position de l'observateur en fonction de sa vitesse propre, contre Newton qui tenait au savoir absolu, mais qui nonobstant tenait la lumière comme limite à ce savoir. Or, récemment, cette limite vient d'être attaquée. Amusant. La relativité relativisée. L'atome est parti avant le top de l'expérimentateur. Ou il y en a un qui est arrivé avant les autres. Le savoir
inexpugnable de la représentation de l'univers est relativisé.
Si nous devons faire l'école buissonnière, autant que ce soit avec Sophie. Et pourquoi pas ne rien apprendre qui ne vienne du déchiffrage de la nature bienveillante, pour qui la sexualité n'est pas cette méchanceté des hommes mais, au contraire, une organisation par la douceur de la nature. Mais s'il y a dans l'environnement, un savoir, comment le qualifier sachant qu'il est non identique à l'individu. Il s'agit bien d'un lieu, oui, mais énigmatique. Il n'est pas étrange, il ne relève pas d'un père étranger. Il n'est ni identique, ni étranger, alors qu'est-ce ? Tout simplement, il est autre.
La question est de savoir d'où provient chez chacun cette foi, j'y crois à l'existence autre. Et comment ce savoir vient-il à informer la connaissance ?
Ici, je voudrais ouvrir quelques chemins en évoquant quelques manifestations cliniques. Comment dans un entretien, ou dans une séance, comment se manifeste ce savoir, comment parvient-il à la connaissance et quels sont les effets de la connaissance sur le savoir ?
On parle avec trop de légèreté de la vertu curative de l'interprétation. J'interprète et hop ! le symptôme prend la fuite. Il y a une énigme car, tel quel, ça ne peut pas marcher. Mais si ça marche ? Pourquoi ? Le rapport entre le savoir et la connaissance est animé par un enjeu, et pas seulement pour la Sorbonne, qui est la question de la manière d'aborder, de l'abord du symptôme.

J'ai reçu un patient qui, pour se protéger pendant la guerre, de l'âge de 4 à 8 ans, avait vécu enfermé dans une cave, sans jamais voir le jour. Un cave de 10m² , creusée sous une table dans une petite ferme au fond des bois. Confiné avec sa mère, une autre femme et un neveu, plus âgé. Son père avait été déporté pour résistance dans un camp de concentration.
Au cours d'une séance, il évoque le souvenir d'une maison close, dans l'entassement proxénète du corps des femmes. Il évoque également les seuls trois livres, écrits en allemand, qu'il lu et relu tant qu'il en apprit l'allemand.
Il vécu complètement en dehors de la question du père pour la mère. Il s'agissait d'oublier jusqu'à ses origines dans l'éventualité où ils seraient découverts et torturés. Ce danger qui menaçait imposait aussi de ne jamais montrer son sexe sous peine d'en révéler la circoncision.
Une séance suivante, il proclama : Aujourd'hui, j'ai rien dans les mains ! Il sous-entendait qu'il n'avait rien à dire. Comme il tripotait un kleenex, je lui fit remarquer que, si fait, il avait un mouchoir. Ah oui, rétorqua-t-il, un peu de cellulose !
Cette cellule close était-elle la ferme isolée ou celle qui était enfermée avec lui ? La période de latence chez lui, déterminée par ce séjour, ne laisse aucune trace, bien qu'il dise qu'il était en permanence collé à sa mère.
De ce jeu de lettres, il s'obtint une structure en réseau associatif, nouant des thèmes disparates, rassemblés dans un espace clos. Où est-ce que ça mène, pour lui, et pour nous ?
A ceci que nous donne son assertion " Je n'ai rien dans les mains" qui permet de lire qu'effectivement, lorsqu'il sort à la libération, son père est revenu, il découvre un homme qu'il avait oublié et qui, à lui qui n'avait rien pour oser quelque chose vers sa mère, brutalement, le prive de sa mère.
Un symptôme qu'il éprouvait de manière vive était le sentiment d'être à nu, déshabillé. Ce genre de réseau associatif parait difluent mais il est orienté, clos mais il ne part pas dans toutes les directions.
Qu'aurait-il pu tenir dans les mains ? Son père, à son retour, a été très sensible à ce dont il pouvait tenir. Il a notamment veillé à soutenir sa sexualité dans des maisons closes.
Il y a manifestation d'un savoir : Il n'a rien. Il n'a rien entre les mains. Et que cela vienne à sa connaissance lui permit de se sentir un peu moins déshabiller.

Autre exemple. Une dame, lors d'une séance, me dit : Je ne veux pas pinailler sur le détail. Or, cette dame très courageuse, a un métier qui justement réclame beaucoup de minutie et il y a une tension entre "le" et "les" détails. C'est le genre de détail qui arrête l'oreille d'un psychanalyste d'autant qu'elle est sculpteur, elle taille des pierres très dures, du granit gris. C'est un vrai calvaire. Enfin. La taille, ça l'a connaît.
Cette femme frêle mais qui trouve la force, m'offre une sculpture en pierre très dure qui représente un pénis en ronde-bosse de grande taille. C'est que pour ce qui s'agit du lien, pour elle, cet instrument est essentiel.
Une de ses préoccupations majeurs était qu'elle se sentait rejetée, à l'écart. Ce n'était jamais l'heure du lien. Mais le plus insupportable, c'était l'entaille. L'entaille à laquelle elle s’exerçait le jour durant. L'entaille d'où tout surgit mais qui est insupportable.
Il y a dans la phrase de son assertion la manifestation d'un savoir qu'elle va entendre. Mais comment ? Une fois que tu sais, qu'est-ce que ça change ? Ça change, oui, mais comment et pourquoi ?

Dans ma troisième histoire, une patiente formule simplement la devise de son existence plaintive et douloureuse : Je suis née un jour de neige. Qu'est-ce que ça fait de l'entendre ?
Quand Lacan intitule son séminaire "Les non dupes errent", thème de notre travail l'an dernier, il témoigne du fait que le savoir infiltre directement notre connaissance. Si je m'arrête à ce "un peu de cellulose", je reste dans la méconnaissance absolue. Cela implique que la connaissance n'est pas séparable du mé-savoir qui l'infiltre. Les non dupes de ce savoir, ils errent.
Être dupe n'est pas être trompé, selon la confusion bien connue en psychopathologie. Il me revient à l'esprit les anagrammes de De Saussure. C'est au déchiffrage d'une formule qu'il faut spécialement s'attacher pour une lecture seconde.

La mesure de ce qui est ici en cause de la connaissance, déterminée dans le traitement du savoir, est justement que savoir et connaissance ne sont que méconnaissance, sous l'influence du moi.
L'insuccès de l'une bévue sait l'amour. L'insu, non détachable du savoir, l'insu que sait. L'une bévue est la traduction Lacanienne, vaguement phonétique, de undbewust, l'inconscient freudien tel qu'il a joué un rôle dans l'échec de la psychanalyse à concevoir que le savoir est dans l'inconscient, même s'il n'agit qu'après consultation de sa raison qui s'expliquera sur sa démarche. Une bévue au lieu de undbewust car ce savoir se constitue d'un moins du fait même de l'amour qui lui est porté. L'une bévue sait l'amour, il y a l'un, dans l'amour, qui l'organise, qui lui donne son statut de vérité, singulier mais qui donne l'illusion que vérité, il y a, et que viendra la bonne et la juste.
Cet agencement est le sort commun, d'où l'intérêt de s'y pencher si nous ne voulons pas céder à la bévue. Si nous voulons nous orienter dans ce cheminement entre les connaissances et les savoirs, la connaissance qui, prenant acte, échappe à la méconnaissance ordinaire, n'est pas une affaire nulle. Elle ne nous est pas non plus inaccessible. N'importe quel enfant de prof sait la différence entre connaissance et savoir. Merci.

2 octobre 2011

Serge THIBIERGE 26092011 Corps et langage

Pour cette deuxième année, j'aborderai différents éléments de psychopathologie en vue de s'en faire une pratique. Cette année qui vient aura une spécification supplémentaire, l'approche clinique et théorique du morcellement spéculaire c'est à dire des différentes façons qu'ont les images du corps pour se retrouver en morceaux. C'est un champ d'une grande diversité clinique, cible de repérages nouveaux, d'un grand intérêt pour la clinique contemporaine. Car justement, le réel contemporain est marqué par cette difficulté nouvelle que nous présente ce caractère éclaté, diffracté, morcelé, des aspects de l'image du corps.
C'est l'image spéculaire, de speculum, le miroir, qui nous amène à parler de ce qui touche à l'image en général, à l'Imaginaire, et donc de l'incidence, de l'importance, de l'image, de l'imaginaire dans l'existence de l'animal humain comme aussi dans la vie animale. Cette approche est l'occasion d'aborder des aspects surprenants par leur richesse, leur variété et leur importance en psychopathologie.
Rappelons que le corps réel de l'animal humain est réel du fait que, eh bien, il n'en a pas d'autre. Il est réel aussi en tant que nous le ressentons comme réel, en tant que nous le considérons comme mon corps, sans plus d'idée précises mais dont le réel se signale par des excitations, des tensions, des plaisirs. Ce réel du corps, décisivement pour l'animal humain est en proie, est affecté par le langage, qu'il le veuille ou non. Or affecté par le langage veut dire affecté par les effets de structure du langage. Ici même, en vous parlant, je vous parle du réel du corps le plus immédiat, il n'est pas illégitime de dire que le réel commence là même si on ne sait pas ce que c'est qu'un corps.
Le corps est un signifiant. Il a questionné tous les philosophes, les artistes. Nous avons à l'écrire. Je fais toujours des schéma, des écritures, pourquoi ? Parce qu'on ne peut pas toujours être dans le registre de l'image, du sens. Pour enseigner, il faut le recours à l'écrit, même si on n'écrit pas au tableau, on y a recours car il est impossible de n'avoir recours qu'à l'image. Quiconque enseigne dit toujours quelque chose d'écrit dont le sens est différent que le sens que l'on impose par l'image, s'il veut éviter le dressage univoque de la signalisation. C'est cette dimension de l'image qui est remarquable du fait d'être régulièrement et nécessairement trouée, interrompue, par l'écrit.

Donc, ce schéma :
Le RÉEL du CORPS ( S ), ce qui l'affecte ce réel est, le LANGAGE ( A ) soit le SYMBOLIQUE.

Le symbolique est l'ensemble des éléments qui compose le langage, c'est à dire les lettres, les éléments les plus petits, les mots, les phrases, les romans, les parties de mot, etc. Le corps humain parle, il n'est pas silencieux mais éloquent, il est affecté par du symbolique, par des effets de la structure du langage, langage qui cause pour ce corps.
Si l'on parle des effets du signifiant "dans" le corps, c'est pure métaphore car le corps n'est pas un bocal à signifiant. Le corps et le langage sont tissé ensemble. Nous dirons "pour" le corps.
L'un des effets du signifiant pour le corps est qu'il installe une différence principiel, fondamentale, entre des places, des lieux, distincts, et ceci dés lors que la parole prend effet ! Car elle peut ne pas prendre, ça existe des corps comme ça.
Cette différence se fonde de deux places. La place du sujet qui parle, grand S, et la place de l'autre, grand A, à qui la parole s'adresse. Une parole dans l'échange humain est toujours adressée. Une parole sans adresse est ce qui doit être au travail en psychopathologie. C'est toujours une question intéressante que de savoir si une parole est adressée et de quelle façon, et sinon, qu'en dire et de quelle manière est-elle non adressée,etc.
Donc, il y a le lieu d'où la parole s'énonce et le lieu où elle s'adresse. Cette différence des places est une différence réelle, impossible à ne pas prendre en compte dans l'échange humain. Quand la différence fait défaut, le sujet n'est pas pris dans l'échange et cela engendre des effets du corps, fréquent dans la psychose mais pas seulement dans la psychose.
Avec cette différence des places, des adresses, il faut évoquer l'échange le plus simple, une parole première, signifiant premier que Lacan symbolise par S1, grand S indice 1. Si quelqu'un crie oh ! ou eh ! on se retourne vers lui. C'est un signifiant maître qui déclenche l'échange, bien qu'on y soit pas encore forcément dans l'échange. Le S1, le signifiant maître n'est pas celui qui commande, ce n'est pas dire la loi, rappeler la règle qui nous fonde comme maître sauf à être un tyran. Le signifiant maître est le morceau du symbolique qui déclenche l'échange comme, entre amis aussi, il faut bien que quelqu'un, non le maître, parte de quelque chose, S1, signifiant indice 1, pour discuter. Ce S1, du seul fait d'être proférer, va produire quelque chose en réponse ou en corrélation. A entendre eh ! on se retourne tous, on répond tous au signifiant maître. S1 a valeur de questionnement, toute question appelle réponse, réponse qui sera à une autre place, une place autre.
Dés lors, il est facile d'entretenir la confusion en ce qui concerne la part que prend le S1 dans la partie de l'être parlant qui se situe du côté de l'homme et pas du côté des femmes. Bourdieu, pourquoi choisit-il cet intitulé pour son ouvrage "La domination masculine" ? Aurait-il confondu la place homme du S1, comme c'est souvent le cas, avec la domination, qui n'a rien à voir. La domination commence quand on confond cette place avec sa mise en jeu. Or il n'y a aucune nécessité en ce domaine car tous nous avons à prodiguer du S1, c'est un effet auquel tous, les hommes et les femmes, nous nous plions pour prendre place dans la parole. En tenir compte peut rendre moins cruelle la tyrannie qui peut résulter d'une telle confusion des places.
A la suite du S1, il vient d'autres S, le S2 dans sa multiplicité. L'écart entre S1 et S2 est comparable à l'écart entre S et A. Il s'agit de cette différence irréductible nécessaire pour avoir de l'échange humain. Il peut ne pas y en avoir d'échange, pas d'écart, pas de différence entre S1 et S2. C'est souvent possible dans la psychose. Là, la difficulté tient à cette différence écrasée, réduite au point de disparaître. Le sujet psychotique peut forclore ce qui est au principe de l'échange, qu'il faille dans le sens, dans la signification, que quelque chose manque, que tout ne soit pas sensé, dans le sens, comme j'en faisait la remarque à propos de l'enseignement. Dans la pub, parfois, il y a ce procédé par flash rapide qui ne nous donne pas le temps d'interpréter quoi que ce soit. Dans la psychose, ce manquant ne manque pas. Ce qui fait le psychotique, au travers de la parano, schyzo, d'une grande variété de symptôme, est toujours en difficulté quand quelque chose fait trop sens, il est affecté par ce trop, il ne le supporte pas. C'est pourquoi, sans médicament pour le tempérer, il peut être parfois violemment agité de protestation, désarroi, plainte, contre ce trop. Du sens, il en subi le trop, par exemple, en but à un persécuteur qui le poursuit partout, tout le temps.
Cependant, l'excès peut être aussi du côté du défaut. Ainsi, ceux qui constamment, se regarde dans le miroir, pour récupérer quelques morceaux de leur image complètement morcelée. Si ce n'est que dans le miroir qu'ils peuvent récupérer quelque chose, l'Autre ne peut que menacer encore plus.
Le langage a comme effet de mettre en place ces différences de place, précisément, mais cette différence n'est pas toujours actualisée, ce qui a des effets pour la psychose mais pas seulement la psychose. La manière dont le réel du corps est affecté par le langage, voilà ce qui est en jeu dans la psychopathologie.
Dans les entretiens cliniques, les préliminaires avec le patient, les présentations de malades, de quoi, qu'est-ce qu'on essaie d'apprécier si ce n'est de quelle manière le patient pâtit du langage. C'est une manière, non la seule, d'aborder la psychopathologie. Comment se répertorie les effets, la psyché, ce qui pâtit, etc. Mais nous ne sommes plus du temps d'Aristote, nous ne partons plus de l'âme mais d'un corps réel affecté par un langage dont la structure est réel et que nous appelons le symbolique.
Nous sommes partis du réel du corps et du symbolique du langage. Je voudrais ajouter une remarque générale et une remarque de clinique contemporaine.

A poser seulement le Réel (corps), R et le symbolique (langage), S, surgit de suite une difficulté : Quel rapport y a-t-il entre ce réel et ce symbolique ? Aucun rapport n'est nécessaire. Moi qui parle, je parle le français et ça n'a rien à voir avec mon corps, je pourrais parler chinois, anglais ou resté silencieux. Melman a évoqué l'enfant sauvage, il n'avait aucun S lié au corps, il montre qu'aucun rapport n'est absolument nécessaire pour vivre. Le terme même de rapport est monoidéique. Pensez au rapport sexuel ! Donc pour avoir un rapport entre S et R, qu'est-ce qu'il faut ? Car il faut quand même en trouver un pour parler. Pour répondre, nous allons suivre Lacan bien qu'il ne soit pas la seule référence. Quand vous ouvrez un livre de logique, quelle nécessité y a-t-il d'y entrer ? Il n'y a aucune nécessité pour le corps de se coltiner toutes ces formules arides.
Pour qu'il y ai un rapport entre S et R, il faut un troisième terme qui nous orientera par rapport aux deux autres. Ce troisième terme n'est pas le Réel, le corps obscure, méconnu de nous même, et tout ce qui le concerne, il n'est pas symbolique mais de l'ordre de l'image. C'est troublant car c'est cela qui fait sens, au sens d'une orientation, comme une flèche indique une direction, c'est incitatif et comme si cela allait de soi, alors que, nous le verrons, ce n'est pas si évident.
Pour d'autres animaux, il existe d'autres modalités, mais pour l'animal parlant humain, c'est l'imaginaire ( I ), là où l'image a un statut prévalent, l'image, c'est à dire le sens qui noue le S et le R. Qu'est-ce qui nous permet de l'avancer ? On trouvera la réponse pas à pas quand nous verrons qu'une image spéciale est reconnue par l'enfant comme son corps propre, une image rencontrée à laquelle il s'est identifié, c'est à dire au réel duquel il a donné une orientation.
Je m'appuie toujours sur le côté opposé d'où je me trouve, de l'autre côté, alors que là où je me trouve, je m'y trouve réellement. On s'appuie sur un autre, notre corps est du côté opposé à cet autre d'où la complexité et la promesse de réjouissance dans notre rapport à l'Autre.
L'enfant entre 6 et 18 mois s'introduit à la première orientation dans notre espace, dotée d'un sens, de côté opposé, etc. Avant, il peut avoir des impressions sensorielles qui lui donne des directions mais c'est au stade du miroir qu'il sera orienté. Le troisième terme est nécessaire pour avoir un minimum d'orientation dans l'espace, dans la pensée qui, sans cela, est un magma informe, d'où l'angoisse. On ne peut s'orienter avec le S, ce qui est le drame de certains sujets qui ont cet espoir que, par exemple, les mathématique pourraient orienter leur existence. C'est impossible, il faut de l'image.
Melman a eu cette idée de croisé Freud, Lacan et Wittgenstein : Ne vous laissez pas décourager par le côté lunaire de l'entreprise. Wittgenstein était tourmenté par le rapport entre R et S, et d'une vive sensibilité quant au caractère imposé, non justifié, illégitime, que prend pour nous le sens. Tourmenté et même scandalisé par notre folle propension à nous précipiter sur le sens sans voir qu'il ne repose que sur l'arbitraire.
Tous ces travaux interroge cette façon dont nous mettons du sens sans être forcément fondé à le faire. Le Tractacus essaie de faire le ménage avec des propositions dont le but est d'éviter d'être parasité par un sens qui n'aurait pas lieu d'être. C'est pas la peine de le dire. C'est pas la peine de faire du langage sans être claire avec cette affaire du sens. De ce dire, il interroge le sens. Ça parait moins lunaire ! Nous ne sommes pas habitués d'interroger le sens.
Quand est-ce qu'on le fait ? Avec Lacan, quand il essaie de l'articuler avec sa topologie. Nous n'y comprenons rien or, voilà, il faut en comprendre un peu quand même. Dés qu'on interroge le sens, on se retrouve en difficulté parce qu'on présuppose toujours qu'une interrogation se trouve sur le fond d'un sens. Pourquoi ? C'est que, pour nous, le sens s'est fait d'une manière spéculaire.
A se reporter au "Stade du miroir dans la formation du je" de 1936, on croit qu'il a simplement élucidé ce problème et que c'est un acquis. Mais il faut le lire mot à mot, c'est plus difficile qu'on ne le croit. Lacan n'en a jamais plus modifier une ligne et s'y référera dans tout le reste de son enseignement, ce qui est extraordinaire.
Lacan connaissait Paul Schilder, cet intellectuel attachant, génial, qui, dés 1935, écrit "The image and the apparence". En 36, Lacan l'avait lu. Pour s'en convaincre, il suffit de lire l'introduction de l'ouvrage de Schilder, l'imaginaire du corps, ça ne va pas du tout de soi.

Remarque sur la clinique contemporaine. Le sens, nous en avons besoin quand nous voulons rentrer dans l'échange, l'acte, la conduite, quand nous voulons mettre en jeu quelque chose qui a valeur de signification, qui n'est pas n'importe quoi. On a besoin d'un peu de sens, sans aucun sens, l'aridité est insupportable. C'est le drame subjectif de Wittgenstein, cruel, inflexible, dans son répertoire des manières illégitimes de faire du sens, il en reste peu de valide. Les patients de notre temps, parfois jeune, souffre justement de ce peu de sens pour engager une histoire. Même parfois, pour se présenter dans un minimum d'histoire. Je m'appelle, etc. Ce minimum d'historisation qui était un donné comme un bagage dans la vie, ce bagage minimum n'est plus à la portée de ces patients. Une espèce de désorientation, pas forcément psychotique, est de plus en plus fréquente. Ils n'ont plus ce minimum de sens pour engager l'échange. Cette difficulté est liée aux aspects morcelés de notre rapport au réel contemporain. Il n'est pas surprenant que les jeunes nous le répercute dans la clinique, dans la rencontre avec le psy, cette difficulté à énoncer ce minimum d'historisation nécessaire pour que l'échange se fasse.