20 septembre 2011

Claude LANDMAN 19092011 Symptôme

Quel est le statut du symptôme en médecine ? Celui d'un indice diagnostic, un signe typique d'une maladie avec lequel elle coïncide. Étymologiquement, "symptôme" veut dire "ce qui tient ensemble", ce qui, traduit en latin puis en français, donne "coïncidence". Il s'agit donc d'un signe qui représente quelque chose (la maladie) pour quelqu'un (le médecin et sa connaissance en sémiologie).
Freud et la psychanalyse y a ajouté un autre statut. Le symptôme est une vérité qui trouble, qui dérange, l'ordre établi en référence avec le sujet de la connaissance. Lacan, en 1966, dans l'article de ses "Écrits" intitulé "Du sujet enfin en question", donne des précisions. Dans cet article, qui est une introduction à ce qui fut appelé son "Discours de Rome", soit l'article "Fonction et champs de la parole et du langage" de 1953, que dit-il ?
"Il est difficile de ne pas voir,dés avant la psychanalyse, introduite une dimension qu'on pourrait dire du symptôme, qui s'articule de ce qu'elle représente le retour de la vérité comme tel dans la faille du savoir" ( in p 231 de l'édition de poche des "Écrits" Tome I, éditions du Seuil, octobre 1999).
C'est une référence à Marx et au renversement qu'il introduit par rapport au savoir absolu chez Hegel. Ce qui est introduit est une dimension matérialiste, Marx et la notion de prolétariat donne figure, corps, au retour de la vérité alors que por Hegel, la vérité du symptôme se résorbe au terme de la dialectique dans un savoir absolu. Lacan soutient que c'est Marx et non Freud qui amène ce nouveau statut du symptôme comme retour de la vérité qui objecte au fantasme de la complétude du savoir, qui s'oppose à l'idée d'une harmonie individuel, sociale et politique. Cependant, c'est grâce à Freud que sera complété ce nouveau statut.
Du savoir, "nous n'en faisons état que pour y dénoter le saut de l'opération freudienne. Elle se distingue d'articuler en clair le statut du symptôme avec le sien, car elle est l'opération propre du symptôme, dans ses deux sens" ( p 232) .
Autrement dit, le statut du symptôme avec le statut de l'opération freudienne, opération qui oeuvre dans les deux sens.
Lacan ensuite amène la dimension de la demande : éteindre la fumée comme signe.
"A la différence du signe, de la fumée qui n'est pas sans feu, feu qu'elle indique avec appel éventuellement à l'éteindre, le symptôme ne s'interprète que dans l'ordre du signifiant. Le signifiant n'a de sens que dans sa relation à un autre signifiant" ( p 232).
Parenthèse : Lacan dit que Freud isole le registre du signifiant, indépendamment du registre du signifié tel que l’algorithme de Saussure dans son cours de linguistique générale le fixe (grand S sur petit s) où la barre signifie l'indépendance des deux registre. Le signifiant ne dépend pas du signifié, au contraire, c'est le signifiant qui produit ses effets sur le signifié. Pour Lacan, Freud, avec sa découverte, l'inconscient freudien, et ce nouveau statut du symptôme, anticipe la linguistique moderne de Saussure. Pour Lacan, ce sont ces découvertes qui rendent Saussure possible.
"C'est dans cette articulation ( du signifiant et du signifié) que réside la vérité du symptôme. Le symptôme gardait un flou de représenter quelque irruption de la vérité. En fait il est ( souligné par Lacan) vérité, d'être fait du même bois dont elle est faite, si nous posons matérialistement ( sic) que la vérité, c'est ce qui s'instaure de la chaîne signifiante" ( p 232).
La vérité s'instaure du signifiant, c'est de l'articulation signifiante qu'il pose le statut du symptôme découvert par Freud.
Ici, deux remarques. Mon titre pour cette année, "le symptôme dans les différentes structures cliniques" oblige à une question. Elle concerne le symptôme "typique", avec la dimension du signe telle qu'il conviendrait que vous vous reportiez à l'article "Le sens du symptôme" de Freud dans son "Introduction à la psychanalyse" (Troisième partie, article 17, p 239-254, Edition PBP 1965) et le symptôme "individuel", celui qui dans le transfert, est susceptible de livrer son sens au sujet et qui est lié à la dimension du signifiant.
Pour le premier, il existe une clinique ( voir B. Czermak, " Qu'est-ce qu'un fait clinique") bien avant la psychanalyse. Est-elle susceptible d'éclairer cette clinique. A propos, par exemple, de ce qui, relevant de la même structure, n'a pas le même sens pour tel ou tel symptôme.
Le soucis est de ne pas méconnaître que si la psychanalyse ne s'attache qu'au particulier, la clinique présente certaines formes de généralité, c'est à dire que l'un et l'autre symptôme sont liés.
En clinique, les trois structure, névrose, psychose et perversion, existaient avant Freud. Reprise par lui, tel quel, il introduit la psycho-névrose de défense et donne l'explication psychopathologique des phénomènes pour en rendre raison en clinique. Le "moi" se défend contre un ou des représentants dans la conscience, inconciliable avec elle du fait de leur contenu sexuel. Et chaque structure est en rapport avec des défenses spécifiques. Le refoulement avec la névrose, le déni avec la perversion, la forclusion avec la psychose.
Deuxième remarque. Il y a un rapport entre le symptôme et ses modalités où le corps se trouve engagé, comme dans l'hystérie. Mais pas uniquement : à la différence de la médecine ( oublions momentanément le psychosomatique), ce n'est pas le corps au sens physiologique sur lequel se centre la psychanalyse, mais au corps au sens imaginaire, le corps du stade du miroir, qui est toujours menacé de ce morcellement dont les rites isolent chaque éléments morcelés en unités signifiantes distinctes qui se trouvent dans le fonctionnement du corps : fonction, organe, partie, etc. Si un élément corporel peut suivre, c'est néanmoins au titre de signifiant qu'il participe au symptôme comme fait de langage : le symptôme est une écriture à déchiffrer. Il faut retourner aux "Etudes sur l'hystérie" et en particulier avec le cas de Lucie R. Pour Lacan, Freud répond à la beauté des oeuvres primitives : hallucinations olfactives ? Entremets brûlés ? Il n'est pas toujours aisé de distinguer, car c'est mêlé, le symptôme psychanalytique du symptôme médicale. Il faut y aller voir dans ce que Freud dit de la paralysie organique et de l'hystérie dans la traumdeuntung.L'éthique qui soutient cette différence tourmente Lacan. Outre le niveau du diagnostic, la différence entre le symptôme médical et le symptôme en psychanalyse pose la question de la responsabilité du sujet, qui est engagée dans la psychanalyse alors qu'elle ne l'est pas dans le symptôme médical. la difficulté redouble, comme le C. Melman en 1990, si l'on tient compte du refoulement et de la détermination des névroses, car, voici un fait, le refoulement du désir inconscient, à l'origine des symptômes névrotiques est différent selon que le sujet occupe une place d'homme ou de femme. Il s'agit de deux déterminations différentes.Il est banale dans la clinique, en particuliers en ce qui concerne l'hystérie féminine, que s'avance sa souffrance, au sujet, mais qui n'est pas la sienne. Elle lui vient de l'autre en tant que, comme, dans, la maladie organique. Cet aspect de la détermination, chez Melman pose la question de savoir à qui appartient le symptôme. Est-ce les leurs, à ces femmes, comme sujet ? Car voici un fait, il existe un refoulement différent selon qu'on occupe les différentes places "homme" ou "femme".Certains symptômes seraient à référer à cette réponse au symptôme de l'homme d'une femme dont le symptôme est susceptible de s'articuler, ou pas, aux places "homme" ou "femme". Pour le clinicien en général, qu'il soit médecin, psychiatre ou psychologue, la question de la nature du symptôme est d'autant plus importante qu'il est moins formé à reconnaitre, moins averti de la nécessité de repérer la valeur de ces signifiants.Retour au texte : Lacan, dans son discours de Rome, commence par ce point essentiel qu'est le statut du symptôme au sens moderne, celui qui s'établit avec le sujet de la science, et sa conséquence, le capitalisme, référer par Marx, bien avant la psychanalyse.Deux questions : Comment pouvons-nous aborder ce symptôme "criant", ce malaise dans la civilisation ? Est-ce que Freud relève d'un symptôme social traduit dans les traitements destiné à y parer par une solution.Ce texte de 1929, "Malaise dans la civilisation", Lacan aurait voulu l'intituler "Symptôme dans la civilisation"; Freud y abordait notamment la soviétisation en cours.Il considérait, que par rapport à Marx, le symptôme social, l'avancée de Freud consiste à situer le symptôme à sa place, Lacan logicisant Freud, en regard du non rapport sexuel, à savoir ce réel sur lequel vient buter notre aspiration au bonheur. Pourquoi le sexe ? Par la sexualité est prise dans le langage et donc, dans la logique. Pour Lacan, seule la logique peut aborder le réel et ceci, à ses yeux, constitue le pas décisif face aux ambiguïté de Freud.Par exemple, seule l'impossibilité de logique, l'impossibilité d'écrire, le rapport sexuel, c'est à dire le non rapport, seul, qui permet d'expliquer que, malgré l'évolution des mœurs, qui en quelque sorte serait l’avènement de cette levée du refoulement que Freud appelait de ses vœux, force est de constater que le malaise perdure avec la même acuité.Nous évoquerons, avec les travaux de Melman, cette année, les modifications du symptôme dans le social et ses conséquences en psychopathologie et dans la pratique auprès des patients. Regardez comme il est rare désormais de rencontrer de la frigidité féminine actuellement sans entamer la malédiction du sexe qui relève, non d'une dimension accidentelle, mais d'une dimension structurelle.Ce n'est que dans le sens du symptôme comme structure, comme fondé dans le réel dans sa volonté même de l'éradiquer, que peut être aborder sérieusement la question du savoir dans le non rapport sexuel, sa logique qui ne cesse pas de ne pas s'écrire, l'impossible, et le contingent, ce qui peut cesser de ne pas s'écrire. Ceci reprend la logique modale d'Aristote, reprise par Lacan pour introduire la notion de l'"écriture". Cette question, qui se réfère à la logique et à l'écriture, implique que seule une modification du mode d'écriture, dans la structure, serait susceptible d'un effet, éventuellement résolutif, sur le symptôme. Soit un mode d'agencement littéral, d'une écriture qui viendrait différente de l'écriture habituelle.Dans "La troisième" ou "L'étourdit", Lacan avance que la seule arme de la psychanalyse est l’interprétation fondée sur l'équivoque, c'est à dire sur le jeu de la lettre. Ce n'est pas un hasard si le séminaire d'été 2011 de l' A.L.I. a noté que les Noms du Père relève d'une interprétation à la fois sur la lettre et sur la césure, au titre, éventuellement exemplaire, de la modification du symptôme. Si le Nom du père, ce père de la religion, est justement le symptôme de la civilisation alors jouer sur l'équivoque, c'est à dire écrire autrement, nous rend non dupes. La question est : Est-ce que le jeu sur l'écriture, une modification, a quelque effet sur ce symptôme que serait le "Non Dupes errent".Sur la lettre qui modifie le réel, Lacan use d'un autre argument qui a des conséquences politiques et éthiques et qui réside dans ce fait que la modification du réel a des conséquences pour chacun. Et d'évoquer la puissance de l'écriture scientifique et de ses applications. Si vous lisez "Lituraterre", vous verrez ce que Lacan attend du Discours du psychanalyste : Un discours sans parole, un discours qui repose sur la seule écriture littérale, comme en science, mais dans le domaine de la pratique psychanalytique dont la théorie est seule capable de contrebalancer la science et ses effets.Quand Lacan situe le symptôme de l'interprétation dans le champ du signifiant, il l'interprète sur l'agencement littéral sans que le signifiant ne soit rien d'autre qu'un sens pour un autre signifiant. Il s'agit, mieux que Freud, de saisir les conditions nécessaire au symptôme en psychanalyse, à la surdétermination du symptôme. Dés 1957, à propos de la psychanalyse et de son enseignement, Lacan évoque "que soit repris les évènements mnésiques", pour articuler l'actuel des éléments inconscients signifiants et leurs orientations tendancieuses où le mécanisme à double détente de la métaphore fixe dans un symptôme la signification, inaccessible au conscient, d'où nonobstant il peut répondre.Le symptôme est une métaphore, mais ce n'est pas métaphore de le dire.

Aucun commentaire: